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Catherine Levy, Dame de cœur

C’est une histoire qui commence comme un conte de fées.

C’est son histoire que Catherine m’a racontée, un jour gris de février, dans un café QG du 3e, en bas de son nouvel atelier. Avant de la rencontrer, elle m’avait prévenue de sa voix rauque à la Jeanne Moreau : «ok pour te raconter ma life, mais prévois un sac de couchage». J’ai adoré et pris aussi mon stylo et mon cahier.

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Ça ne se voit plus trop, car elle a maintenant un look absolument décoiffant (au sens propre, elle a le cheveu bleu), mais il y a quelques années (allez, décennies, j’y vais franco, on a le même âge !), Catherine est une jeune fille rangée qui vit dans le bourgeois 16ème arrondissement. Son père est un dessinateur virtuose de la chaussure de luxe, sa mère collectionne les beaux objets, elle est élevée dans un milieu créatif et esthète.

Je l’imagine impertinente, moqueuse, charmante et chef de bande, la Sophie de la comtesse de Ségur, une infatigable perturbatrice, de celles que les directrices d’école craignent comme la peste, qui portent en elles le virus de la dissipation et des turpitudes proscrites par les codes de bonne conduite des écoles cathos-coincées de Paris Ouest. Leur forte personnalité et leur bonne éducation les protègent des punitions trop brutales, les institutrices craignent leur intelligence et leur charisme, pas question d’en faire des martyres !

C’est donc en paix que Catherine a passé ses années de lycée à rêver et à dessiner. Ça, elle adorait, le reste, à part ses copines et le chant classique, elle s’en foutait. Après un an d’école buissonnière, elle passe son bac par l’opération du Saint-Esprit (comme quoi, les trucs cathos, pas que du mauvais…), et rentre dans une école de design expérimentale, L’ENSCI, une perle de l’époque Mitterrand, dont la mission est de faire rentrer la création dans les entreprises. L’équipe dirigeante est un tantinet déjantée, des profs babacools, foldingues et visionnaires.

C’est l’éclate, l’école est un creuset de créativité, et un laboratoire in vivo, les étudiants mènent des projets de A à Z pour des industriels, elle apprend tout, fait tout, du dessin à la maquette jusqu’à la fabrication du produit, dans un cadre extraordinaire de la rue Saint Sabin, un atelier géant avec tous les outils à disposition pour créer et produire.

Avec ses amis Sigolène et Reno, elle se lance dans la création d’une ligne de bijoux en caoutchouc, « La braguette magique », ça ne s’invente pas. Le succès est immédiat, incroyable, délirant, la presse s’en empare, l’éditeur Pylône achète les droits, le succès médiatique se transforme en succès commercial. À 20 ans, Catherine et ses comparses sont les stars de l’école.

À peine sorties, les deux filles s’installent leur propre atelier, rue du Vertbois. C’est le vieux Paris, c’est bohème, c’est roots, c’est grand, c’est leur chez elles. Avec le frère de Sigolène, elles retapent l’atelier. Elles sont les reines du monde, et avec toute la frénésie de créer qui les anime, elles se mettent à dessiner des objets de déco jolis et singuliers auxquels elles donnent des noms poétiques, « le vase d’avril », « la guirlande cubique», « la lampe Cornette», ou « la vaisselle affamée». Les Tsé & Tsé associées sont nées, vivent les Tsé & Tsé !

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Mais ou donc est la chute du conte de fée me direz vous ?

Toujours pas de chute, au contraire, à ce moment Catherine est au top, c’est l’apogée. La famille Tsé & Tsé va faire son chemin, pas à pas, sans esbroufe, sans production débridée, sans salon, sans pub, sans commerciaux, avec une gestion ultra prudente de père de famille. Juste avec l’amour du travail bien fait, des petites séries produites sur commande, des clients livrés à vélo dans Paris, et des partenariats coups de cœur avec des distributeurs amoureux de la marque et des produits. La presse applaudit, les clients adorent, c’est la consécration, c’est l’âge d’or, la famille est heureuse.

Et puis, dans la vie de toute famille, il y a des événements qui bouleversent les équilibres, qui provoquent des ruptures, et changent le cours des choses. Le conte de fées se rapproche de l’orage, la passion entre dans la vie de Catherine.

Elle rencontre un homme, un beau mec fantasque, tumultueux, ténébreux, fougueux, volontiers transgressif, de ces mecs qui ravagent tout sur leur passage, façon Clyde Barrow. Et moi je ne serais pas là à vous raconter cette histoire, si ce mec-là n’avait pas été un créateur de bijoux génial. Parce que c’est à ce stade de l’histoire que les bijoux entrent dans la boucle, la boucle de la vie de Catherine.

Je ne devrais pas vous la faire mélo, et, pourtant, je vais le faire.

Catherine va aimer Serge, qui va aimer Catherine. Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils sont talentueux.

Ça fait le pitch façon love story, absolument et totalement.

Ils vont s’aimer, ils vont tout partager, ils vont partir en voyage, elle va lui faire découvrir l’Inde, il va lui faire découvrir les bijoux. La vie s’ouvre devant eux, un millier de partages, un millier de projets, c’est le paroxysme du bonheur, au-delà ce n’est pas supportable. Quelque temps après, Serge se crashe dans un accident de moto, il n’est plus là, il laisse Catherine seule, toute seule.

Rien ne va plus.

Morne plaine, plus d’envie, plus de vie, plus d’objets, la flamme dessinatrice de Catherine s’est éteinte, elle s’est enfuie avec Serge. La tristesse a tout figé, elle est en panne d’idées, d’énergie, de créativité. L’impertinente Sophie de la comtesse de Ségur, la rebelle des Braguettes Magiques, la créatrice foisonnante des Tsé & Tsé, tous ces personnages ont déserté Catherine. Elle est une coquille vide.

Alors qu’elle se traîne au ralenti dans sa vie , elle se met à penser de plus en plus aux bijoux. Les bijoux de Serge, de l’argent martelé qui lui noircissait les doigts, gravés de poèmes et de messages d’amour, des bijoux talismans qui portaient de l’espoir. Elle pense à son idée de faire un jour ses bijoux en or, avec des pierres, elle ressort cette bague incroyable qu’ils avaient pensée ensemble, une multitude d’opales mobiles sur un anneau, elle la met à son doigt, fait vibrer le reflet profond des opales, et la replace soigneusement dans sa boîte, comme un trésor, un concentré de souvenirs.

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Ce sont les bijoux qui ont sorti Catherine de la nuit. Sans bien comprendre pourquoi et comment, alors qu’elle n’arrivait plus à dessiner le moindre objet, elle s’est mise à chiner en Inde des bijoux de pacotille, des pierres, des perles de verre, des trucs jolis. Vite vite, elle a fait une formation d’artisan joaillier, elle s’est installé son petit atelier chez elle, et comme Serge le faisait si bien, elle a commencé à se noircir les mains, et à transformer les trésors qu’elle rapportait de ses voyages en bijoux ravissants, que ses copines ont tout de suite adorés.

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Pendant un bon moment, Catherine n’a pas réalisé qu’elle était en train de changer de métier. Elle faisait des bagues comme on s’accroche à un radeau de sauvetage de façon frénétique, juste pour respirer au-dessus de la surface de l’eau.

C’est au début des années 2000 que j’ai commencé à voir ses bagues sur des filles super stylées, ses ravissantes marguerites aux pétales de  » diamonds slices », ses petits anneaux multicolores qui mélangent hardiment les diamants bruts avec un ravissant bout de verre rose fushia, un œil en émail, une labradorite opalescente, et un rubis flamboyant. Elle chinait, accumulait, classait, dessinait, fabriquait le tout sans réfléchir, dans une pulsion créatrice bienfaisante, et avec l’idée, quelque part, qu’elle continuait quelque chose de son histoire, quelque chose qui ne serait jamais fini.

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Quand j’ai vu la copine de Georgie, un de mes amis de jeunesse, porter la bague Marguerite de Catherine, je me souviens lui avoir demandé qui faisait cette merveille. A l’époque , la marque Dorette n’existait pas encore, et je voyais fleurir les Marguerites sans savoir ou en était la source. C’était un peu comme un jeu de piste, une chasse au trésor qui rend l’objet encore plus désirable ; Il fallait faire partir des happy fews pour en avoir une.

Et puis le temps a passé, et le succès bousculant un peu le cours des choses, Catherine a créé la marque Dorette, a commencé à organiser un peu sa production en Inde, et a accepté l’idée d’être distribuée par d’autres.

Aujourd’hui, Dorette est une marque qui continue son chemin singulier, celui des intuitions de Catherine. Elle s’est fait connaître grâce à Hod, Merci et White Bird, et se développe pas à pas, dans des points de vente qu’elle sélectionne avec soin.

Elle a son lieu, un atelier génial, coloré, et plein d’objets incroyables, niché dans un vieil immeuble de la rue du temple, dans lequel elle crée ses bijoux, reçoit ses fournisseurs, clients ou amis en buvant un thé au blé grillé.

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Elle n’aime pas l’uniformisation, craint les grands magasins comme la peste, et a développé une philosophie à la limite de la misanthropie commerciale : pas question de faire de la promo, sûre de sa valeur, elle trouve que c’est total dévalorisant.

C’est aussi ça qui me plaît dans son personnage, elle ne transige pas, elle est définitive.

Jamais elle ne se prendra en photo sur Instagram, ce sont ses bijoux qu’elle met en scène.

Elle connaît toute la planète designers et créateurs de Paris-Delhi, mais jamais elle n’en fera étalage, pas du genre à se faire mousser au bras d’un VIP .

Elle a peur des papiers, c’est Agnès, son bras droit, qui gère toute la partie « carrée » de son business.

Elle préfère se faire hara-kiri plutôt que de vendre sa marque, il faut qu’on vienne vers elle, basta.

Elle déteste les phrases toutes faites de catalogues du genre «  la créatrice créée au gré de ses envies », elle trouve que ça craint, elle a raison.

Elle fuit les Ikea, les Galeries Lafayette, les chaînes de magasins, les franchises, les standards, et les produits en série. Elle ne fait jamais deux bijoux identiques, elle a raison aussi.

Elle déteste se mettre en scène, mais cultive un look inimitable, cheveux bleus, fringues vintages, chemisiers à poids, accumulation impressionnante de tous ses bijoux sur doigts, poignets, cou, oreilles, façon armure ethnique.

Elle dit qu’elle est vieille et que les vieilles n’intéressent personne, mais là, elle se trompe. Elle a l’énergie créatrice d’une jeune fille de 20 ans, et si j’en crois le succès phénoménal d’Iris Apfel, croisée ce matin au Bon Marché en train de papoter avec Mlle Agnès, 90 balais bon pied bon œil, le critère âge reprend du galon, et pourrait même devenir super hype auprès d’une jeunesse désenchantée par l’ère Snapchat !

Catherine a un truc spécial qui ne laisse pas indifférent. Dire qu’elle n’est pas comme tout le monde est un euphémisme, ses pôles se sont inversés par rapport au tout venant, au commun, au main stream.

Son histoire est unique, parce qu’elle parle d’amour, d’amour toujours. Amour des objets, des bijoux, du travail, d’un lieu, des amis, d’un homme, amour sur lequel elle porte un regard distancié, un peu ironique, comme si elle se moquait d’elle-même pour y avoir trop succombé, au détriment de la raison.

Ce n’est pas un hasard si le cœur est un motif récurrent dans ses bijoux, mais même quand il est rose, il n’est jamais mièvre, il est un clin d’œil impertinent à ce cœur un peu trop vaste, qui la guide dans sa vie de tous les jours, cette nouvelle vie de bijoux, qu’elle a adopté… par amour !

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12 Comments:
3 mars 2016

Je suis fan de ses bijoux, des coeurs, des couleurs…
Je ne connaissais pas la créatrice, merci Sylvie 😉 – Quelle nana !
COEUR avec les mains.
juste S

3 mars 2016

Merci ! oui Catherine est un personnage et ses bijoux ravissants !

3 mars 2016

Très émouvant que le parcours de cette créatrice que je découvre…On sent dans chaque bijou cette volonté de continuer malgré tout, de déverser cet amour qui étreint le cœur et les tripes. Bravo…

3 mars 2016

Merci ! Je viens de mettre des liens vers son site et ceux des boutiques qui la vende, pour mieux découvrir ses bijoux

3 mars 2016

Je me suis régalée à lire ce beau portrait !!! Merci Sylvie, merci Catherine de nous faire partager cette belle histoire d’amour.
J’aime beaucoup cette marque, pleine de couleurs, de fantaisies, à l’image de sa créatrice…pleine de ressources…
J’ai déjà un vase et une guirlande de lumières tsé tsé que j’adore, je vais vite m’offrir ( ou me faire offrir ! ) une bague Dorette !!

4 mars 2016

Tsé & Tsé, pas de panique, je connais et j’aime beaucoup leurs objets du vase d’Avril de tout format, aux guirlandes cubes en passant par leurs lucioles sans oublier les lampes Cornette…
Mais je ne connais pas la femme extraordinaire qui se cache derrière ces bagues Marguerite que j’ai remarquées et qui me fascinent par leur couleur, leur forme et leur beauté naturelle.
Cette beauté naturelle ne pouvait provenir que d’une femme aimante, sûrement profondément meurtrie; mais si vibrante et si attachante.
Voilà, Sylvie, tu m’as encore éclairée et je retiens Dorette…
A la prochaine, pour toujours plus de lecture fascinante.

5 mars 2016

Tellement touchante cette histoire… Elle va me faire encore plus aimer mes bagues Dorette

20 mars 2016

Très chouette article Sylvie !
Je prends enfin le temps de le lire de bout en bout … merci

Stephanie

11 mai 2016

Très bel article sur Catherine Lévy
J’adore cette femme quelle belle preuve d’amour elle continue en nous faisant découvrir ses petits joyaux
ses bijoux racontent une histoire.
Catherine continuez à nous faire rêver.
Merci à vous Sylvie pour ce beau portrait que du bonheur
Elisabeth

11 mai 2016

Merci Elisabeth, j’ai transmis à Catherine !! Je n’ai pas encore craqué mais avec ma folie de couleurs pour ce printemps, c’est imminent !

11 mai 2016

Une petite question Sylvie avez-vous craqué sur les bagues Dorette?
Merci
Elisabeth

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