Mon premier portrait de créateur dans les Précieuses parlait du joaillier franco-libanais Selim Mouzannar, c’était en mars 2014, il y a 3 ans et demi.
Depuis, le temps a filé, j’ai rencontré plein de gens passionnants, plus de femmes que d’hommes, ce qui prouve que le problème de la parité peut être inversée dans certains domaines…
Ce que j’ai aimé, c’est cette diversité dans les parcours des uns et des autres : de la joaillerie de père en fils pour Selim Mouzannar à la saga familiale pour Gas bijoux, en passant par le démarrage en flèche pour la jeune surdouée Charlotte Chesnais, la passion pour le craftmanship Viennois du début du 20ème siècle pour Brooke Gregson, la poésie mystique de l’Inde pour Catherine Levy, la fascination du monde de la méditerranée pour Jean Grisoni, la poésie antique et médiévale pour Sylvie Corbelin…
Je ne peux pas citer tous les créateurs dont j’ai parlé ici, mais chacun m’a touché par son talent, sa ténacité, et surtout, sa singularité.
Parce que c’est vraiment ça que j’ai cherché à montrer dans ce blog : des créateurs qui inventent un style qui leur est propre, qui ne ressemble à personne, qui leur est immédiatement attribuable et qui reflète leur monde intime.
La création est pour moi un mystère, un faisceau d’idées et d’images qui crée du sens, de la beauté, et c’est cette alchimie que j’aime raconter, parce qu’elle génère une émotion.
Je n’ai rien contre les marques à la mode, certaines font un travail remarquable sur le plan du marketing et de la communication, mais leur parcours fait appel à une expertise et une organisation commerciale efficace. C’est un système qui sait fabriquer de la « désirabilité », aussi sûrement que le Cliffhanger (accroché à une falaise !) des sitcoms nous accroche au suspense d’un récit.
Mais aussi vrai que Terminator est un robot et pas un homme, ce qui est calculé par le génie humain n’émerveille pas comme la fulgurance de l’imagination.
La force du marketing, c’est aussi de savoir compenser la faiblesse créative d’un produit en l’imposant comme un must have. Et c’est justement quand tout le monde veut avoir le même produit au même moment que ça ne m’intéresse plus.
Il y a tellement de façons de réussir dans ce métier, soit dans la lumière, soit dans la plus grande discrétion, mais avec une exigence unique : avoir le feu de la création, l’envie de réaliser un bijou unique, poétique, un bijou qui va toucher au cœur, un bijou que quelqu’un aura irrésistiblement envie de porter sur sa peau, pour longtemps, et qui va devenir lui même porteur de messages.
Quand j’ai rencontré Walid Akkad début octobre, grâce à Vincent Debiar mon attaché de presse préféré, je me suis dit que c’était un signe, et que j’avais sans doute bouclé la boucle de mes pérégrinations joaillières.
Parce que en dehors d’être un créateur de joaillerie talentueux, Walid Akkad a un point commun avec Selim Mouzannar : il est franco-libanais, et j’imaginais que comme Selim, il faisait plus souvent le trajet Paris-Beyrouth que moi Porte d’Auteuil -le Marais. Ce qui est faux… les racines de Walid sont maintenant bien en France.
Walid est d’ailleurs aux antipodes de Selim, au sens propre comme au sens figuré, car à moins d’avoir la tête à l’envers, vous ne verrez jamais Walid faire le poirier, alors que cette position reste la facétie préférée de Selim, et cela devant les publics les plus variés.
Walid est la personnification de la douceur, de la discrétion, et d’une forme de mystère qu’il entretien autour de ses créations.
Il m’a reçue dans son ravissant showroom de la rue de Lille, un écrin tout blanc baigné de lumière, où le visite sa clientèle privée.
Dès que je suis entrée dans le showroom avec Sarah, j’ai eu l’impression d’être une VIP accueillie par un hôte délicieusement attentionné.
Walid parle d’une voie feutrée qui force l’attention, et pas à pas, il m’a embarquée dans son univers.
Il ne parle pas, il se confie.
Il ne m’a pas montré ses bijoux, il me les a passés au doigt, au poignet, et au cou.
Il ne m’a pas dit pas ce qui a inspiré ses modèles, il m’a expliqué en quoi chaque pièce est unique.
Il n’a pas parlé de ses clientes, il m’a évoqué des amies.
Il n’a pas d’attaché de presse, il a Vincent Debiar.
Il n’a pas de boutique, il a son showroom.
Il n’a presque pas d’Instagram, il a le bouche-à-oreille
J’ai passé un long moment à l’écouter, et surtout à essayer avec ravissement ses bijoux voluptueusement lourds.
Je n’avais pas du tout la tenue appropriée, pas eu le temps de passer par la case stylisme-coiffure-maquillage-manucure, et je l’ai regretté. Cendrillon de jour c’est pas le top, je n’étais pas à la hauteur de ses bijoux de princesse…
Walid est un artiste, aussi loin que remontent ses souvenirs, il a voulu faire des bijoux et il a fait l’école de Bijouterie Joaillerie à Paris où il a tout appris.
Il est de ceux qui pensent que le savoir faire artisanal est au service de la création, et il peut passer des jours à trouver le moyen d’obtenir un résultat impossible, comme un poli de l’or qui soit à la fois mat et brillant.
L’exigence des contraires, c’est le genre de challenge que Walid se donne pour réussir une pièce unique, avec les meilleurs artisans de Paris.
Il dit qu’il est inspiré par la nature, moi je trouve qu’il est surtout guidé par la lumière. Toutes ses pièces créent un mouvement qui la fait ricocher dans la pierre et révèle ainsi ses propriétés polychromes.
Il a un serti très particulier totalement invisible, qui ne trace pas de frontière entre l’or et la pierre, fondant ainsi les deux matières.
Ses bijoux sont des sculptures belles à 360°, elles laissent passer la lumière dans des angles multiples.
Ses formes sont organiques, aussi imprévisibles que les hasards de la nature, comme des galets polis par des siècles de ressac.
Il m’a passé presque toutes ses bagues au doigt (Walid est un galant homme sorti directement d’un roman d’Alexandre Dumas) et j’ai adoré me voir avec des bijoux aussi fortement spectaculaires et si incroyablement confortables. Le fameux paradoxe du bijou exceptionnel qu’on peut porter tous les jours.
Walid est un amoureux des pierres, un infatigable collectionneur, et un gemmologue facétieux qui adore brouiller les pistes.
Pour chaque pièce, j’ai tenté de deviner la pierre et je dois avouer que moi qui me croyais championne, je me suis plantée plein de fois.
Parce que ce qu’il aime c’est découvrir la gemme rarissime, la couleur qui n’existe pas dans ce type de pierre, et qui la rend exceptionnelle.
Quand je lui ai demandé s’il croyait au pouvoir des pierres, il m’a sorti une merveille de sa poche, je crois que c’était un péridot, un talisman qu’il garde sur lui comme un compagnon bienveillant et protecteur, un filtre des bonnes ondes de la vie.
Il m’a expliqué qu’il n’arrivait plus à se séparer de certaines pierres, elles sont devenues si proches de lui, une sorte de trésor secret, que même les monter en bijoux serait déjà une trahison.
On a parlé relations publiques, commerce, salon, et boutique, et j’ai vite compris que ces mots sont des barbarismes pour Walid. Il ne m’a dévoilé le nom d’aucune de ses clientes, et pourtant, je parierais que dans la liste, il y a beaucoup de femmes célèbres.
Je suis sortie de chez Walid Akkad en me disant que le mystère était peut-être le dernier bastion d’un raffinement en voie d’extinction.
Aujourd’hui, tout nous incite à dévoiler notre monde intime au plus grand nombre, quitte à se perdre dans la cacophonie désincarnée engendrée par la dictature de l’image.
Plus on montre de soi-même, plus on porte de la voix, plus on a l’impression d’être en vie, d’exister.
Ne serait-ce pas justement là la faiblesse moderne ? Parler trop fort pour cacher que l’on a rien à dire ?
Walid Akkad est un créateur anachronique, qui a érigé le mystère et la discrétion comme les attributs les plus magnétiques de son talent.
J’admire beaucoup cette sérénité sans faille qui le porte loin des sentiers battus. Je crois que c’est même cette introspection qui lui permet de créer des bijoux à l’avant garde.
Je remercie Walid de m’avoir embarquée dans son monde, et d’avoir bouclé la boucle des mes créateurs de bijoux les plus singuliers.
Je prends le risque de vous donner l’adresse de son site et de son show-room, mais pour le reste, à vous de jouer.
Il faut savoir partir à la recherche des talents cachés, ce sont ces découvertes qui vous changent la vie. Le reste, ce ne sont que des courants d’air !
Walid Akkad : 1 rue de Lille, sur rendez-vous, 06 09 03 27 51
Super joli article comme d’hab ! Gros bisous
Merci Martine ! Xxxxxxxx