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Category PORTRAIT
Caroline De Benoist, La folie des couleurs !

« Je travaille en Inde parce que j’aime créer là-bas ; ça me sort de mon quotidien, ça me permet de rêver, d’avoir envie ; Et puis là-bas tout est possible, au début ils disent non, et puis après ils essayent ! En France, cette souplesse-là n’est pas possible. »

Parler de la vie des autres, c’est aussi parler de la sienne. Dans le miroir que me tend mon invitée j’y vois double, nos similitudes et nos différences jouent une partie de ping-pong vivifiante, j’en ressors toujours revigorée.

Avec Caroline de Benoist, les images jumelles de nos parcours sont foison. Les bijoux évidemment, l’amour de l’artisanat sans aucun doute, le coup de foudre (purement mystique évidemment…) pour les beaux indiens de Jaïpur ça va sans dire, les études cerveau gauche et un début de carrière dans des grosses boites internationales s’est certain.

Quand je l’ai vue apparaitre sur Instagram il y a 3 ans, j’ai bien remarqué qu’elle marchait sur mes pas, alors un peu peste-ouille je me suis dit – tiens encore une qui va faire ses bijoux à Jaïpur… et puis j’ai zappé.

Je ne me doutais pas qu’elle irait si-vite si-loin et que les bijoux aux pierres multicolores de ses débuts n’étaient que les prémices d’un univers lifestyle luxuriant, si désirable qu’il déclenche des épisodes de frénésie d’achat collectif.

Quand je suis retombée sur son Insta en janvier dernier, elle avait gagné des millions de followers (si si…), et elle recevait ses fans sur son Pop-Up du Bon Marché. En trois ans, Caroline de Benoist était devenue la reine de l’artisanat Indien revisité par son œil malicieux et sa créativité débridée. En plus des bijoux, elle vend maintenant des pyjamas, des blouses, des kimonos, des sacs, des nappes, des sets de table, des serviettes, des coussins, des carnets, des assiettes, des vases, des tabliers, des mugs et des poivriers !!!

Cette fille est surprenante, prolifique, bouillonnante, sa blondeur gracile et ses fossettes espiègles donnent une folle envie d’être sa meilleure copine, je l’ai appelée sans hésiter. Au bout de 5 mn on se marrait de notre 3ème dose qui nous avait mises au tapis, merci Pfizer de nous rappeler qu’on n’est plus des gamines… Le rendez-vous a été pris chez elle parce – m’a-t-elle dit, c’est comme mon showroom, il y a tout !

J’ai raccroché déjà emballée.

Caroline habite dans un appartement qui ressemble à une maison près de la rue Montmartre au fond d’une cour pavée un peu cachée.

Dès qu’elle a ouvert sa porte en ce dernier jour de janvier, je me suis pris un shoot de printemps vitaminé. Caroline vit à Paris dans la lumière de Jaïpur, comme si elle avait rapporté chez elle le soleil de là-bas. En jean et blouse de coton rouge et blanc col Claudine qui mélange hardiment rayures et fleurettes indiennes, des boots blanches à talon qui la hausse d’un cran, des yeux bleus qui frisent sous sa frange blonde et sa fossette qui rigole tout le temps.

Elle est fidèle à son image d’Instagram, piquante et virevoltante comme un oiseau des iles. Elle nous a fait monter au premier en nous expliquant que tout en haut et tout en bas c’est les zones des enfants, au milieu c’est pour les grands. Quatre enfants à caser plus un mari plus une marque, décidément c’est pas rien, je me dis ce petit de bout de nana est prolifique en tout !

Arrivée au premier c’est l’explosion des oh et des ah ! Troisième rencontre de ce début d’année, troisième appartement fabuleux de beauté !

Après l’épure design dIsabelle Dubern et la poésie vintage de Delphine Arbo-Pariente, me voilà ici dans une symphonie exotique. L’univers de Caroline est peuplé d’une polyphonie de couleurs exubérantes, un exercice de style particulièrement virtuose car aucune fausse note, elle flirte magistralement avec le kitch sans jamais tomber dans le premier degré. Le résultat est pétillant, ici, on a tout de suite envie de boire un Mojito et de danser, mais il est 11h du matin, alors sagement, j’ai pris un café.

Notre discussion dans le salon de Caroline ressemble à un voyage aux quatre coins de la planète. On a commencé sur le canapé rose sous l’œil du nain de jardin éclairé par la lampe chinoise. On a poursuivi devant le mur couvert d’une jungle tropicale envahie de perroquets, et on a fini dans la salle à manger entre une table décorée de tous les bleus de Jaïpur, un tableau aux turquoises de la méditerranée et un mur rouge impression cachemire en direct de Perse.

 

Caroline m’explique qu’elle vient juste de refaire tout son appartement… Ce qui me prend 10 ans pour tout refaire en blanc lui prend 10 jours avec toutes les couleurs de l’arc en ciel, Caroline a la déco dans la peau.

Quand elle me parle de ses débuts, je vois tout à fait les miens, que du sérieux : élève studieuse pour faire plaisir à des parents exigeants, cinq ans de droit pour avoir un métier, et une spécialisation en propriété intellectuelle qui allume une petite lumière, parce que ce truc- là touche à la création.

Après son diplôme, elle fait d’abord du conseil puis rentre chez LVMH au service juridique de la branche parfum pour ficeler les brevets de propriété intellectuelle. Elle y fait ses premières armes pile au moment où moi-même, je pars de Guerlain, je réalise que c’est notre premier chassé-croisé. On partage la même fascination pour la marque de parfum mythique du plus grand groupe de Luxe français, et le même ressenti, c’est l’école du luxe et de la politique. L’envers du décor pour des filles comme nous c’est la frustration, parce qu’avant de toucher à la grande histoire, il y a beaucoup de couleuvres à avaler. Malicieuse, Caroline juge utile de me préciser :

« Je n’ai jamais été malheureuse ! »

Je note qu’elle n’est pas comme moi qui vois toujours le verre à moitié vide, Caroline est de celles qui sont résolument positives. C’est tout ce chemin qui l’a menée là aujourd’hui.

Mais ce qui va la replonger dans ses désirs d’enfant, c’est son entrée chez Hermès en 2007. Son embauche se fait contre toute attente, parce que le dieu de l’Olympe ne va habituellement pas chasser sur les terres de son ennemi juré. Mais Caroline a une personnalité qui doit les séduire, parce que ce qu’elle cherche avant tout, c’est se rapprocher de la création, et c’est justement ce qu’on lui propose.

Elle me raconte que chez Hermès, on n’a pas le droit de parler de « marketing » ni de « luxe », ce sont des mots proscrits. L’excellence se défend, se pratique et se transmet, elle n’a pas besoin de label, elle s’exprime dans la parfaite authenticité du produit.

C’est là qu’elle découvre le monde de l’artisanat couvé par la grande maison, un monde de créateurs venus de tous les horizons, des stars comme des inconnus, le nerf de la guerre se niche dans la mixité, et dans le temps long offert pour faire émerger un projet.

Elle découvre ces écoles où Hermès forme ses artisans à l’intelligence et à l’opiniâtreté, pour faire un objet parfait, il faut non seulement maitriser l’enchainement des gestes, mais aussi comprendre le sens qu’on donne aux choses. Elle est auprès des créateurs dès la genèse des projets pour pouvoir vérifier leur faisabilité, elle noue des liens avec eux, et surprise, découvre que tous ne savent pas dessiner.

 

« Si tu as des idées tu peux tout faire ! »- lui dit un jour un artisan.

Caroline De Benoist

Cette phrase magique fait sauter un verrou et reste stockée dans sa tête, jusqu’à son voyage à Bali.

Tout a commencé pendant ces trois semaines dans la luxuriante ile indonésienne. Elle est partie en famille avec leur copain Christophe Adam, ce pâtissier surdoué qui a monté Les éclairs de Génie. Pendant les longues soirées à refaire le monde sous la lune et les cocotiers, Christophe raconte à Caroline les galères de sa création de boite. Le sujet commence à la travailler sérieusement. Pendant ces trois semaines, elle trouve un atelier qui fabrique des bijoux, et fait faire pour elle quelques belles bagues en argent.

« Quand j’ai vu les pièces sortir de l’atelier, j’ai pleuré – me dit-elle en rigolant… Oui je sais je suis un peu émotive, mais c’était la première fois que je créais un truc, c’était comme un accouchement ! »

 

Elle revient à Paris avec ses bagues aux doigts, une collègue lui dit « Tu devrais les refaire pour les vendre ! ». C’est ce moment précis où comme en amour, l’idée cristallise. Elle prend la décision la plus risquée de sa vie et quitte Hermès. Sa mère lui dit qu’elle est folle, ses copines aussi, mais pas son mari. Et là je demande – il fait quoi ton mari ?

« Humoriste, me répond-elle, lui, ça fait longtemps qu’il vit son rêve à lui ! Après 5 ans de droit, il est est devenu artiste et entrepreneur, il gère tous ses spectacles tout seul, ça fait des années qu’on se soutient mutuellement ! » 

Et là je comprends. Avec un mari qui a choisi la vie d’artiste, comment ne pas succomber à la tentation de la création ? Olivier De Benoist qui fait marrer tout le monde sur scène encourage sa femme à quitter la sécurité d’un salaire et le prestige d’une belle carte de visite pour se lancer dans la galère de l’entreprenariat, alors qu’ils ont quatre gamins et une vie à Paris. C’est le choix de la bohème sans le filet de sécurité.

Et là je me dis que les grandes choses commencent toujours par un rêve, jamais par un business plan. Et que se lancer à deux dans une aventure c’est toujours mieux qu’en solo.

La première année est euphorique, Caroline vole, virevolte, invente, imagine, développe et fait faire ses bijoux dans son atelier balinais, elle a même pris une petite boutique rue Montmartre à côté de chez elle, c’est la lune de miel.

Et puis avec le succès arrivent les emmerdements, parce que l’atelier balinais qui fabrique au rythme du bouddha ne suit plus. Un jour le silence s’installe sur WhatsApp, Bali ne répond plus. D’un coup Caroline n’a plus de fabriquant, l’idée de tout recommencer à zéro la tétanise, mais sa petite lumière positive continue de clignoter, et là ou je me serais jetée par la fenêtre, Caroline relance ses filets.

Sa deuxième chance se présente encore sous la forme d’un voyage, cette fois ce sera Jaïpur. Un atelier dont on lui avait parlé revient miraculeusement vers elle pour la démarcher, elle réalise que c’est sa chance, et prend illico son billet pour New Dehli.

Et là dix ans après moi, voilà Caroline de nouveau dans mes pas. Pas besoin de me faire un dessin, au micro-détail près, on a vécu la même épopée.

Les 5 heures à risquer sa vie dans un taxi pourri derrière les camions bariolés qui sillonnent la route défoncée de Dehli à Jaïpur, l’accueil enchanteur de l’hôtel Samode Haveli, l’odeur enivrante du jasmin et de l’encens, la découverte des palais des maharadjahs, la fièvre acheteuse dans les marchés des Mille et une Nuits, le coup de foudre mystique avec un bel Indien qui est son chef d’atelier, Jaïpur est aux parisiennes ce que Paris est aux américaines, le pays ou le cœur s’emballe à en perdre la boule ; D’ailleurs Caroline l’avoue sans vergogne :

« J’étais une autre personne, je me suis lancée sans réfléchir ! »

Oui, c’est ça l’effet Jaïpur. Mais il ne faut pas exagérer, la boule, Caroline ne l’a perdue qu’à moitié, ce moment d’exaltation indienne, c’est la rampe de lancement vers le succès.

Des bijoux en argent elle passe au laiton doré à l’or fin, son bel Indien formé en Italie a l’œil affuté et le sens des réalités, la production suit, enfin tout va bien. On est début 2020, chez Caroline, de nouveau ça roucoule, quand badaboum, le Covid lui tombe sur la tête.

« Le confinement a été un nouveau déclencheur. Parce ce que en réalité, j’ai toujours été attirée par le lifestyle et la déco. Si j’ai commencé par les bijoux, c’est parce que ça me semblait plus simple, mais le reste me trottait déjà dans la tête. »

Après le premier confinement hyper stressant, elle réussit à repartir en Inde, et retrouve ses fournisseurs très affectés par la crise sanitaire. L’atelier qui lui coud ses petits pochons en coton block-print est au bord du dépôt de bilan et la supplie de l’aider ; ça tombe bien, elle vient de lui faire-faire un pyjama ravissant qu’elle a mis en story pour rigoler, et plein de copines lui disent qu’elles veulent le même. Pour rendre service à tout le monde elle commande 300 pyjamas et rentre à Paris sans se douter que ce coup de génie va propulser sa marque dans une autre galaxie. Elle reçoit sa commande début juillet, la France entière qui a adopté le pyjo depuis le confinement se rue dessus, en moins d’une journée les 300 sont partis !

Après ce coup de maitre, Caroline travaille sur sa deuxième capsule pyjama, elle mélange les tissus, les couleurs et les imprimés en toute liberté, elle s’en donne à cœur joie. Sa fille s’y met, toute la famille pose en pyjo, l’humoriste Olivier de Benoist fait un carton à la poste du quartier avec son spectacle vivant de sherpa des colis indiens, tout Paris a envie de porter ses jolies tenues colorées à la plage ou en soirée !

La deuxième capsule fait 10 fois les ventes de la première, Caroline repart en Inde où elle est désormais vue comme la déesse Vishnou, les idées saugrenues de la blonde parisienne sont des pépites qui se vendent comme des petits pains. Elle se retrouve dans la position dont elle a toujours rêvé, celle du créateur qui transforme une idée originale en un produit artisanal ultra désirable, et l’Inde est le pays qui a permis ce miracle.

« Je travaille en Inde parce que j’aime créer là-bas ; ça me sort de mon quotidien, ça me permet de rêver, d’avoir envie ; Et puis là-bas tout est possible, au début ils disent non, et puis après ils essayent ! En France, cette souplesse-là n’est pas possible. »

De fil en aiguille, Caroline enchaine la suite avec gourmandise.

Des pyjos elle passe aux nappes et aux serviettes, la collection Homewear glisse vers les arts de la table, il n’y a plus qu’un pas vers les assiettes, elle le franchit allègrement en découvrant un atelier qui fabrique la poterie bleue de Jaïpur. Dès 2021 la marque émergente de bijoux de haute Fantaisie de Caroline De Benoist est devenue un univers lifestyle aux inspirations indiennes revues et corrigées à la mode parisienne. Le Bon Marché ne s’y trompe pas et lui propose un Pop-Up pour Noël. Elle s’exclame émerveillée :

« Le Bon Marché m’a accueillie comme si j’étais chez moi et quand je suis arrivée je n’en revenais pas, j’avais des fans !!! »

 Je contemple sa table avec une pointe d’amère jalousie…

Hélas c’est pas pour moi, ma maladresse légendaire condamne ma vaisselle à la durée de vie d’un moucheron, je suis abonnéE à l’insipide mais économique Monoprix…  Je me dis que je me rattraperai sur ses vases et ses coussins en Khanta, je les veux tous, parce que le piège de Caroline est là, tu prends toute la gamme des couleurs !

Caroline est partie me chercher ses bijoux, je suis bluffée par le nombre d’objetS qu’elle a réussi à créer en si peu de temps ! Elle m’avoue en rigolant :

« Je n’arrête jamais, je travaille tout le temps… »

Portée par son succès, les propositions s’enchainent, à peine sortie du Pop Up de Noël là voilà sollicitée pour une collab avec Hello Kitty et la collection des personnages Monsieur Madame. Le Bon Marché adore cette créatrice toujours partante et hyper réactive, ses grigris aux pierres multicolores Hello Kitty et  ses médailles Madame Bonheur qui renferment la pierre philosophale du bonheur font un carton au Bon Marché depuis début février.

On a beaucoup rigolé et on a parlé longtemps, parce que je ne sais pas qui inspire qui chez les De Benoist, mais au vu de la mine réjouie de Caroline sur les photos, je trouve que coté One-Man-Show, elle n’a rien à envier à son humoriste de mari ! D’ailleurs on conclut la dessus, elle me dit que sans lui, elle ne serait pas arrivée là, et que son collaborateur idéal, c’est bien lui.

Et si c’était ça la clé de la réussite de Caroline ? Le talent évidemment, l’énergie ça s’est sûr, la couleur ça va sans dire, mais surtout ce petit zeste de folie multiplié par deux qui vous propulse tout en haut. Parce que miser à deux c’est aussi gagner à deux, et c’est la garantie que quand l’un des deux tombe au fond du trou l’autre va le chercher en rigolant.

Je suis sortie de chez elle contaminée par l’énergie de Caroline, boostée par ses couleurs vitaminées, gagnée par sa petite lumière positive. Se lancer, se planter, se relever, recommencer, et enfin réussir, à deux et toujours en se marrant, elle est pas belle la vie ?

Photos Delphine Jouandeau, texte Sylvie Arkoun

Selim Mouzannar
pour le chic intemporel de ses bouquets de bagues aux pierres précieuses soulignées de noir
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Lito
pour son œil fabuleux qui voit tout
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Samuel François
pour son extravagant bracelet aux médailles baroques multicolores
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CARROUSSEL CREATEUR 

4 Comments:
27 février 2022

Magnifique portrait Sylvie !!! Bravo pour ta jolie plume ! Gros bisous

27 février 2022

Merci Martine !

28 février 2022

Très bien écrit ce beau portrait. Bravo Sylvie

28 février 2022

Merci Babeth !

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hi

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