Il y a un mois, je me suis cassée la jambe, ou plus exactement le genou, en faisant du ski dans les Dolomites, sans nul doute le plus bel endroit du monde pour se casser la jambe, tout détail est bon pour se remonter le moral, c’est pas comme si j’avais glissé dans ma salle de bain en sortant de ma douche, c’est infiniment plus classe.
Et puis les Dolomites c’est l’endroit où a été tourné un de mes films cultes avec Sylvester Stallone, Cliffhanger, c’est dire l’à-propos du destin, il m’aurait posé la question j’aurais pas choisi mieux.
Je suis exactement à J+ 30 de l’accident, et à J+27 de mon opération, je compte les jours scrupuleusement. Chaque jour passé est un jour gagné, ce qui me fait dire qu’un accident c’est un peu comme un chagrin d’amour, le but est de s’éloigner à grande vitesse du jour J, parce qu’en matière de casse, que ce soit pour le cœur ou pour les os, le processus est le même : le temps est l’unique facteur de la guérison, c’est lui qui va reproduire les cellules endommagées, colmater les brèches, reconstituer la matière, consolider l’ensemble, relancer la machine.
Ce n’est donc qu’à J+30 que je suis capable de reprendre le clavier de mon mac, les semaines passées dans la position favorite de Madame Récamier ont eu raison de mes cellules grises autant que de mon quadriceps, je me suis vue finir la jambe boiteuse et le cerveau en compote.
Mais là je vais mieux, le signe étant que je me déplace avec une célérité toute nouvelle avec mes béquilles, et que cette liberté retrouvée redonne du goût à ma vie, goût qui se traduit par des envies d’une futilité affligeante, aller chez le coiffeur, se faire-faire les ongles, s’acheter une robe longue qui cache ma cicatrice, avoir envie d’un bijou de la nouvelle ligne Snake d’Ole Lynggard.
Comment font les mecs qui émergent d’une jambe cassée ? Je doute que le coiffeur et la manucure soient dans leur stratégie de guérison, ni la robe, ni les bijoux d’ailleurs, je les plains les pauvres …
Même si ces 30 derniers jours n’ont pas été ce qu’il y a de mieux en terme de glamour dans mon histoire personnelle je ne peux résister à l’envie de vous en livrer quelques étapes clés. Parce qu’ inspirée par Jean de la Fontaine, je me dis toujours qu’à quelque chose malheur est bon, parce qu’il y a toujours une note comique dans la galère tant qu’elle n’est pas radicale, et parce qu’au bout du tunnel, il y a toujours un lot de consolation.
Broken leg c’est parti !
J-1 : Après un vol Paris-Venise mémorable pour son atterrissage derrière la lagune de la ville mythique, nous sommes partis avec une bande de potes skieurs chevronnés vers le nord, dans une montagne sublime qui ressemble aux immenses parcs américains. Le soleil brille, les pitons rocheux se découpent à perte de vue sur un horizon saturé de bleu, la neige est en voie de disparition, une neige de printemps, dure le matin et soupeuse l’après midi, mais je fais la maligne, je me selfise en envoyant des vannes douteuses sur le whatsapp des copines (Dolomite, contrepèterie ?). Je pose langoureusement à coté d’Axel (le playboy du groupe) et je me fais bizuter, entre les fixations impossibles de mes skis de rando et mon sac à dos de parisienne, j’ai gagné la palme de La blonde égarée chez les montagnards.
Le jour J : la neige est si pourrie que le guide décide de nous emmener au fin fond de la vallée pour faire du tourisme. On prend 11 télésièges, 12 téléphériques, 1 voiture chenille pour aboutir dans un refuge perdu à l’autre bout du domaine skiable, le plus étendu du monde paraît il. C’est beau mais je suis énervée. On ne fait pas du tout de ski de rando, on skie sur piste à 100 à l’h, je suis à la traine, toujours fâchée avec mon matériel. Après un déj trop long, on repart, on a 2 heures de transfert pour regagner notre camp de base. Le guide à l’air pressé, tout le monde trace, je me dis j’en ai marre d’être la dernière, j’accélère. La neige est si fondue que j’ai l’impression de faire du ski nautique, mais ça glisse grave. Je me rends compte que je vais trop vite, je veux tourner pour ralentir, mes skis s’embrouillent dans un paquet de soupe, j’essaye de me rééquilibrer, j’y arrive toujours d’habitude merrrrde ! Mais non la je pars en vrille, à fond la caisse, le genou qui tape quelque chose, je m’explose, roulé-boulé, plantée dans la neige fondue comme une grosse méduse avachie, le souffle coupé.
Tout le monde arrive, j’entends les commentaires de ma chute comme dans un écho, je mets un moment pour reprendre mes esprits, j’ai une douleur lancinante dans le genou, on me relève, j’essaie de rechausser, peine perdue, un pisteur arrive pile-poil avec sa moto-neige, juste au moment où le guide me proposait de me descendre sur son dos. Evidemment je choisis l’option moto-neige et là je crois ma dernière heure arriver, le pisteur se prend pour Ayrton Senna.
Arrivée en bas de la piste, on essaye de me mettre debout, impossible, appel d’un taxi qui met 1h 30 pour arriver. On l’attend avec ma copine France qui est restée avec moi pour jouer la secouriste, mon genou double de volume à vue d’œil malgré les poignées de neige que je mets dessus, mon moral est en berne, j’ai compris que je suis dans une vraie galère. Le taxi arrive, deuxième micro coup de bol, le chauffeur, Oscar, parle bien français et est super dégourdi, il nous emmène à l’hosto le plus proche, une heure de trajet. Samedi 30 avril, 18h dans une petite ville de la montagne italienne, hôpital fantôme, on nous fait poireauter 1h avant la radio, et derechef 1 h avant de voir l’interne de garde. France est hystérique, j’ai peur qu’elle ne pète tout dans l’hosto, elle ne comprend pas qu’on nous fasse lanterner, moi je suis tellement groggy que je ne réagis plus. L’interne arrive enfin. L’infirmier me pose sur un lit. Et là boum le diagnostique, plateau tibial pété, os déplacé (Arrrrgh), faut opérer en urgence, me dit-il en prenant une seringue grosse comme un container pour me libérer la poche de sang qui gonfle mon genou comme une montgolfière ; Oscar, notre fidèle chauffeur de taxi est resté avec nous pour faire la trad. Je ne sais pas si c’est moi qui vais tourner de l’œil ou lui, je vois bien que France me regarde d’un drôle d’air, elle a pris son tél, elle prévient Philippe mon mari et les copains. Je regarde l’interne et lui dis d’un ton sans appel que je veux sortir, hors de question de me faire opérer ici. Il me fait signer une décharge, France est déjà en train d’organiser le plan Orsec du rapatriement avec Philippe, l’infirmier empaquette ma jambe dans une gouttière qui part du pied et remonte jusqu’en haut de la cuisse, Oscar devenu mon sauveur nous ramène à l’hôtel avec mon nouvel attirail d’handicapée, on me fait boire un coup, on me chouchoute, on me fait ma valise, on me couche, on me berce. Ça y est, ma nouvelle vie avec de broken leg a commencé.
J+1 : rapatriement sanitaire par Mondial Assistance, Eric, un ami du groupe, se dévoue pour m’accompagner, avec ma valise, mes skis et mes chaussures, toute seule c’était mission impossible. Le fidèle taxi driver-sauveur-Oscar est là, pas d’ambulance en Italie un dimanche. Arrivés à l’aéroport, c’est le traitement VIP : chaise roulante, coupe-file pour la sécurité, petit bus privé avec élévateur, changement de fauteuil pour entrer dans l’avion, on m’installe au dernière rang, un extra-seat a été libéré devant moi, je peux poser ma jambe raide. Le vol passe vite heureusement, Eric est psy, on se raconte des histoires de psy, j’adore ça, ça me change les idées de ma broken leg et du tunnel qui m’attend…
Bon je vous parle de mon pantalon ? C’est mon pyj, le seul truc qui laissait passer la gouttière…
Eric me laisse aux arrivées du terminal 2 E, une ambulance doit arriver bientôt. On m’appelle, c’est l’ambulance, 45 mn de retard, « désolée les embouteillages… » Premier moment de solitude, comme dirait Chloé mon assistante, je suis un peu « au bout de ma life… «
L’ambulance arrive enfin, un binôme incongru constitué d’un titi parisien à la forte odeur de cendrier froid et d’une jeune fille multi-percinguée me transbahute de la chaise à roulettes sur un brancard à roulettes et me fourre dans l’ambulance. 1h30 d’embouteillages dans une lumière bleutée et les échos d’une conversation bruyante du binôme sur un de leur collègue exécré, c’est long. Enfin arrivée, le comité d’accueil est là, les mines navrées de Philippe et de mon fils Thibault me font comprendre que j’ai piètre allure, on me hisse dans l’ascenseur, home sweet home enfin, je m’assieds péniblement, et là pouf, je tombe dans les vapes, c’est trop pour moi.
J+2 : On est lundi matin, direction Bichat, mes copains et Philippe m’ont déniché le meilleur chirurgien de Paris en matière de rabibochage de genou. Pas d’ambulance, je prends un taxi et mes béquilles, c’est parti. On m’a dit d’aller direct au 15ème étage en orthopédie sans passer par la case « admissions », je suis pistonnée. Arrivée à bout de souffle et en nage à l’accueil du service d’orthopédie, une gentille infirmière me regarde avec des yeux ronds, elle a jamais entendu parler de moi.
Mais si ! le Professeur B. a du prévenir ! Il m’a dit de venir direct faire un scanner ce matin ! Elle disparaît dans le bureau derrière, j’entends les échos d’une discussion animée, visiblement il y a quelqu’un qui râle, pas de place, d’où elle vient celle là ? Déjà qu’on est débordés, mais si en plus on nous parachute des gens sans prévenir… Je sens que je suis pas welcome. Il y a une chaise qui traine, je m’assieds devant le comptoir de l’accueil. Pendant une heure personne ne me parle, le personnel passe devant moi avec l’air pressé de ceux qui ont mille trucs à faire, et qui ne peuvent pas se payer le luxe de s’intéresser aux machins qui trainent dans le couloir. Bienvenue à L’APHP … Un peu énervée, j’alpague une jeune femme en blouse blanche :
« Vous pouvez me dire ce qui se passe ? » Elle me regarde étonnée.
« Désolée Madame, mais vu votre âge, je peux pas faire grand chose pour vous, je suis l’interne en gériatrie ».
Mauvaise pioche. Je vois enfin la gentille infirmière revenir. « C’est bon, c’est réglé, je vous emmène dans votre chambre. » Magique l’hosto.
A midi, on m’apporte un plateau sur lequel sont posées 2 barquettes en plastique, le contenu est décrit sur les étiquettes collées sur le couvercle : crevettes au gluten et parmentier de poisson. Beuuurk, ils veulent m’achever ou quoi ?
Pour passer le temps, je me branche sur mon iPhone, plein de trucs à régler pour le boulot, Chloé, Selim, les bijoux, la communication, les clients, Paris-Beirut, la vie continue non ?
17h : toujours pas de scanner à l’horizon. L’infirmier m’a pourtant dit que tout allait bien se passer pour moi vu que j’étais opérée par le grand Professeur B. Il m’a dit que j’avais plus de chance que ma voisine de chambre qui a attendu 3 jours son opération, et qui a pété un boulon. Suis très contente. Ma voisine revient du bloc, elle est dans le potage mais elle me parle tout de suite, je sens qu’elle en peut plus d’être toute seule. Elle est sympa, en deux heures je connais tout de sa vie et on se tutoie.
20h : un brancardier beau comme un gladiateur vient me chercher pour le scanner. Il me descend dans les entrailles de l’hosto, niveau -1, imagerie médicale. Je poireaute 40 minutes sur ma chaise, j’en profite pour discuter avec le monsieur qui fait le ménage. Je crois que je prends un malin plaisir à faire comprendre au personnel de l’hôpital que je suis pas un paquet de linge sale mais une personne douée de parole. Et voir leur réaction m’amuse. Ils ont perdu l’habitude de voir les patients, au sens propre du terme, c’est très déroutant.
Enfin le scanner. No-comment. Retour sur la chaise, re-poireautage dans le couloir, retour du brancardier-gladiateur, remontée au 15ème étage. L’infirmière m’annonce que je suis opérée demain matin première heure. Trop bien. Je me prends un Xanax entier à l’insu des infirmières, pas question de bad-er cette nuit, je m’endors d’un sommeil agité, envahie par les bruits de l’hôpital, les portes qui s’ouvrent brutalement, la lumière crue qu’on allume à toute heure, les soupirs de ma colocataire et les vociférations d’une de nos voisines qui n’a plus toute sa tête.
Comme dirait Chloé, je suis au bout de ma life, mais demain est un autre jour, Inch Allah…
J+3 : Réveil en fanfare à 5h du mat, douche assistée avec jambe emplastiquée, re-descente dans les entrailles de l’hôpital, cette fois-ci direction le bloc dans mon lit à roulette. Re-poireautage de 1h30 dans un couloir. Mais ou sont donc les gens qui doivent m’opérer ? Je somnole. Enfin une jeune femme arrive, toute souriante, blouse + charlotte sur les cheveux, c’est l’infirmière panseuse. Elle me pose plein de questions.
Elle conclut « ok on a fait le tour ? » Je lui dis que non, elle a oublié de me poser une question.
Elle me regarde interloquée : « Laquelle ? ».
Je lui réponds : « Les gouttières, vous avez oublié de me demander si j’avais des gouttières pour les dents, mais la réponse est non, je les ai bien enlevées. »
Elle éclate de rire, « ben vous alors vous êtes drôle ! » Et là, elle me parle pendant 5 mn de son traitement orthodontique, on fait une comparaison circonstanciée entre la méthode des bagues et la méthode des gouttières, on rigole. Je rêve, je suis dans le couloir du condamné et je déconne avec une infirmière panseuse sur nos déboires orthodontiques.
Elle repart. Je re-poireaute 20 mn, ça devient une habitude.
Arrivée de l’anesthésiste, un charmant jeune homme aux traits doux flanqué de son infirmier, un géant de 2 m. Il me repose les mêmes questions que l’infirmière panseuse. Ils sont tous fous ici ou quoi ?
Je demande si le Professeur B. est bien là. L’anesthésiste n’est pas au courant, il ne sait pas qui m’opère, il m’explique que l’anesthésiste et le chirurgien ça fait 2, ils ne font pas le même métier.
« Je sais bien docteur, mais de là à pas savoir avec qui vous allez bosser dans 10 mn, ça tient du bizarre quand même non ? »
Je commence à paniquer, et si le Professeur B. était une chimère ? Je fais jurer à l’anesthésiste de ne pas m’endormir avant d’avoir parlé au Professeur. Magnanime, il m’accorde cette grâce.
Enfin on me roule jusqu’au bloc. Il y a toute une équipe autour de moi, charlotte sur la tête, masque devant la bouche, blouse verte. L’interne se présente, je reconnais l’externe, l’infirmière panseuse, le charmant anesthésiste et son infirmier géant. Je m’impatiente, et je suis pas la seule, mais où est donc le professeur B. ?
« Dans les étages madame, ne vous inquiétez pas, il arrive. »
Un nouveau jeune homme arrive, il se présente comme l’assistant du Professeur B, il va m’opérer avec lui. Il enlève son masque pour me parler. Il a un bon sourire, il me fait penser à Arnaud, un copain médecin que j’aime bien, ça me rassure, il m’explique en détail ce qu’il va me faire. Je lui réponds que je suis terrorisée, il me dit que c’est normal, pour moi c’est un truc exceptionnel, mais lui il fait ça tous les jours, ça va bien se passer.
Et enfin le professeur B. arrive, tel le messie. Je ne vois que ses yeux, le reste est sous le masque, mais il a l’œil vif, c’est l’essentiel non ? Il réitère les mots rassurants. Ma dernière question est : « Je pourrai refaire du sport docteur ? »
Il sourit et me dit oui. Je suis rassurée, je peux partir au pays des rêves.
J+ 5 : ça fait 2 jours que je suis à l’hosto, je suis devenue super copine avec ma voisine de chambre, on se remonte le moral mutuellement, elle est un peu jalouse de toute l’attention que je reçois, elle n’a toujours pas vu le chirurgien qui l’a opérée. Je la console en lui disant que j’ai un mari médecin, et que je serment d’Hippocrate, ça change tout. En même temps je suis choquée par le système de l’hôpital. Le personnel soignant est tellement débordé que l’attention aux patients frise le niveau zéro. Certes on est bien soigné, mais il faut être entouré sinon c’est le bad trip assuré.
J’ai fait une radio, j’ai une plaque et 7 vis dans le genou, le professeur B est content, il a tout bien raccroché, je peux rentrer chez moi. Une seule condition, ne pas m’appuyer sur mon pied pendant 2 mois… Je quitte l’APHP béquillée mais avec joie, enfin l’air pur, enfin une bouffe correcte , enfin ma maison. Mon chat m’accueille, il n’y a rien dans mon frigo, j’ai mal et je me déplace difficilement. J’appelle ma copine Marion à l’aide d’urgence, j’entre dans la phase 2 du bout de ma life.
J+10 : Trop de chance, mon fils Antonin, mon bébé de 25 ans, a pris une semaine pour s’occuper de moi, il cuisine divinement bien et je l’ai tout entier pour moi. J’ai suivi le modèle de Mme Récamier, salon à la maison. On m’apporte des livres, des fraises, des fleurs, on me fait les courses, on me fait la bouffe, je suis en mode assistance totale, je donne des ordres en pointant l’objet de ma demande du bout de ma béquille.
Je suis au bout de ma life, mais j’ai quelques bénéfices secondaires. Marie-Christine, ma gardienne, me fait remarquer que j’ai de la chance, j’ai beaucoup d’amis. Et moi qui trouvait ça normal, je réalise que oui c’est énorme, ça compense les chutes de moral vertigineuses qui me prennent par surprise. Comme l’autre jour où j’ai revu le film «Mon Roi», une sombre histoire d’amour qui commence par une chute en ski et un genou cassé, j’ai fini le film en sanglotant comme une vache. Parce que comme me l’explique ma copine psy, l’immobilité, c’est mortel pour les hyperactifs. Merci Natachou, tu viens juste de m’expliquer pourquoi j’étais au bout de ma life…
J+ 15 : Je re-bouge, fais ma kiné, mets les jambes en l’air, sors avec mes béquilles. Lolo, une autre copine, vient me chercher en voiture, me pose sur une chaise longue pendant qu’elle va faire son sport, tout le monde vient me voir, je suis obligée de raconter 10 fois la même histoire, mais c’est pas grave. Le fils de Lolo vient de se faire une entorse, ouf je suis pas la seule dans cette galère. Parce que le truc affreux du handicap, c’est que tout le monde te regarde avec commisération, ce qui est aggravant, un peu comme le miroir qui te renvoie ta gueule à l’envers le lendemain d’une cuite. A deux ça va tout de suite mieux, on est déjà une communauté, on est plus seul on peut donc en rire. Et du coup ça change aussi le regard des autres, il repasse au vert, normal, sans pathos. Il n’y a rien de pire que le pathos.
J+ 20 : Même plus peur de sortir dans la rue pour faire une course, aller chez le coiffeur, faire ma radio. Mon abonnement UBER a pris toute sa dimension, je mets maintenant systématiquement les 5 étoiles, voir un pourboire quand le chauffeur a été sympa avec moi, ce qui arrive la plupart du temps. La broken leg facilite le contact : on me demande ce qui m’est arrivé, et en retour, on me raconte une histoire d’accident, ce qui me fait plonger de plein-pied dans la vie intime des gens. Un des chauffeurs me raconte qu’il a failli se noyer tout petit, poussé par un autre enfant dans une piscine. Depuis il a la phobie de l’eau. Je lui explique que ça s’appelle un trauma et que ça se soigne avec l’EMDR. On se quitte les meilleurs amis du monde, il m’accompagne jusqu’à l’entrée de mon coiffeur. Chloé vient bosser à la maison, mon directeur artistique et mon attaché de presse aussi, je commence à me dire qu’il faut que j’écrive un truc pour le blog, la machine repart.
J+27 : j’ai pris rendez vous chez Ole Lynggaard, la marque de joaillerie Danoise que j’adore, je veux essayer leur ligne Snake, sublime. J’ai une passion-répulsion pour le serpent. Il est terrifiant mais hypnotique, dangereux mais fascinant, immonde mais gracieux, et surtout, il est éternellement jeune. Sa mue lui permet d’effacer les stigmates du temps, je l’envie, j’aimerais pouvoir en faire autant, surtout maintenant. Une petite mue et hop ma jambe réparée dans l’instant, trop bien. Je m’habille de ma nouvelle robe longue impression panthère, je me maquille pour la première fois depuis 27 jours, je clopine jusqu’à mon UBER, direction Les Tuileries où se trouve la belle boutique d’Ole Lynggaard. Je retrouve Sarah, ma fidèle photographe et je passe une heure avec Dalanda, la maitresse des lieux qui me fait essayer tous les sublimes Snakes de la marque pendant que Sarah mitraille.
Nous ressortons dans la rue, je demande à Sarah de me prendre en photo avec mes béquilles, qui a décidé que les béquilles c’était pas glamour ?
J’ai envie de la boucle d’oreille Snake, j’ai envie de raconter mon histoire de broken leg, j’ai envie de plein de trucs nouveaux.
Et finalement je me dis que je suis peut être pas au bout de ma life, mais au début d’une nouvelle ?
Spéciale dédicace à mes hommes Philippe, Thibault et Antonin, à Patou mon chat, à mes amies les greluches, à mes amis les mecs, à Sandrine ma coach happy-mood, à Selim le grand joaillier Franco-Libanais, à tous mes collègues des bijoux, merci à tous ceux qui m’ont aidée à retrouver goût à la life.
Merci à Sarah pour ses toujours jolies photos malgré la broken leg
Merci à la marque Ole Lynggaard pour son accueil adorable et ses bijoux d’une infinie poésie
Et aussi, merci à tous ces gens dévoués que j’ai croisé sur mon chemin et qui m’ont aidé dans la galère et à tout le personnel de l’APHP, qui malgré une charge de travail gonflée à bloc, continuent de soigner les gens avec une grande rigueur, à défaut d’une grande chaleur !
Magnifique récit de résilience et d’amitié.
Ravie de lire ton envie et énergie retrouvées.
Merci pour les dédicaces, explicites et implicites.
Bravo Sylvie !
J’aurais du t’appeler Josiane mais c’etait Pas assez explicite
Quel récit vif et palpitant, je suis à bout de souffle ! C’est tout toi.
Et tu termines avec l’adorable Dalanda, un rayon de soleil. Bravo ma chérie
Quel récit ! Quelle plume ! Wooo… J’en suis essoufflée… Je bouge mes mains, mes pieds.. Tout fonctionne, j’ai de la chance.
(PS : c’est drôle, j’ai vu Cliffhanger il y a un mois… mince alors)
Merci Isabelle !!⛷♀️
Sylvie ton récit m’a tenu en haleine jusqu’au bout ! Quel courage, quelle détermination …vraiment tu es une battante et tu as toute mon admiration. Je pense que le pire est derrière toi alors tous mes voeux de convalescence et toute mon amitié doublée de plein de bisous. Martine
Ps : tout ça méritait bien un petit serpent !!!
Merci Martine, je suis très touchée ! Je ne me vois pas particulièrement comme une battante, mais je crois qu’il est nécessaire de regarder avec humour les passages difficiles, ça aide à les surmonter ! Je t’embrasse, un déj dès que je suis sur pied !
Bonsoir Sylvie,
C’est avec un très grand intérêt que je vous ai lue car je me suis également cassée au ski le plateau tibial, il y a maintenant un mois et demi. J’ai été opérée en Savoie puis rapatriée à mon domicile, dans le sud de la France.
Les premiers jours ont été très difficiles, moralement et physiquement, mais petit à petit, au fur et à mesure des séances de rééducation, cela va mieux. Quand je regarde dans le rétroviseur, je mesure tous les progrès accomplis.
La projection dans le futur est encore assez floue pour le moment. J’ai hâte de ma prochaine radio de contrôle et de mon prochain rendez-vous avec le chirurgien.
Continuez à raconter votre broker leg’s life. C’est très bien écrit et très réconfortant.
Bon courage pour la suite et tenez-nous au courant.
Très cordialement,
Anne-Françoise
Bonjour Anne-Françoise, très touchée par votre témoignage, c’est tellement rassurant de savoir qu’on n’est pas tout seul dans une galère ! Vous avez 15 jours d’avance sur moi, quelle chance !! commencez vous à vous appuyer sur votre jambe ? Bonne chance à vous aussi !! xxx
Dear Sylvie, I loved reading your blog. You’re an amazing writer. I’m in awe !!! So sorry you had to go through all that, but glad you are recovering quickly. Enjoy your snakes 🙂
Kiss, Emilie
Chère Emilie, je suis très touchée ! merci pour ton adorable message ! ça va mieux, je suis à Saint Jean de Luz pour ma rééducation, ça consolide ! Merci merci ! xxxxx