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Category PORTRAIT
Martin Martin, le chic remix selon Capucine

Si la mode reste pour moi un domaine désirable, c’est parce que je n’ai jamais réussi à en faire un métier pour en percer les mystères. Du haut de mon 1m73, j’ai bien tenté une carrière de top model autour de mes 20 ans, mais mon rêve s’est heurté à la dure réalité d’un nez trop grand, d’une oreille mal finie, d’un IMC non conforme et d’une démarche dégingandée digne d’Olive, la femme « à Popeye ».

J’ai remballé mes rêves de grandeur après quelques petits jobs de mannequin-cabine au salon du prêt-à-porter pour des marques du sentier, job rémunérateur mais totalement dévastateur pour mon égo. Et j’ai remisé la mode au rang d’archétype de la perfection, inaccessible, réservé aux déesses de la hype.

Par la suite, je suis restée une spectatrice admirative des prouesses de la haute-couture et des fantaisies des créateurs, mais en réalité, je ne m’intéresse qu’aux vêtements que je peux porter, dans mes critères et dans mon budget, parfaitement identifiés depuis des lustres. J’ai un style sobre, classique, un tantinet routinier, et totalement axé sur le confort. Je ne me pose aucune question existentielle dans ce domaine, je ne fais quasiment plus d’erreur d’achat parce que je ne prends aucun risque. Bref ça ne fait pas rêver, mais je crois que ça s’appelle avoir trouvé son style, au grand dam de mon amie Isabelle Thomas, conseillère en image, qui aide avec talent toutes celles pour lesquelles la mode appliquée à soi-même reste un torture-test.

J’ai une grande admiration pour les filles qui savent créer et lancer un style, parce j’en suis incapable et que j’étouffe parfois dans ma monotone sobriété. L’audace des créatrices de mode et bijoux Marie Lichtenberg et son amie Diane Goldstein, me bluffe complètement et me pousse à sortir de ma sempiternelle monochromie. Dans un style plus couture, mon œil avait été attiré il y a un an par les sublimes vestes de MARTIN MARTIN, découvertes grâce à Constance et Sylvain de Persona Editions sur un shooting pour le joaillier Selim Mouzannar. Une élégance sobre, une ligne impeccable et quelques détails ultra sophistiqués font des vestes Martin Martin le truc qui vous habille en un clin d’œil.

A la sortie de l’hiver et du énième confinement, j’ai été prise par une irrépressible pulsion de renouveau. J’ai eu envie de changer de look, de balancer ma penderie pour endosser un costume de lumière et j’ai repensé à MARTIN MARTIN. J’ai appelé Capucine, qui a tout de suite répondu présente à mon invitation. Après un démarrage en trombe chez Net-à-Porter, elle repositionnait sa marque sur de la vente directe et préparait le lancement de son Eshop, je tombais à pic.

Après 3 rendez-vous manqués pour cause de cas-contacts et de contrariétés covidiennes, nous nous sommes enfin retrouvées chez elle avec ma photographe Delphine, dans son ravissant appartement de la rue de Paradis baigné de lumière, un lieu multifonction qui lui sert aussi de bureau, showroom, et studio photos.

En boots vernies noires, jean et pull rose poudré, visage naturel et longs cheveux bruns à demi noués en chignon express, Capucine a l’élégance désinvolte d’une Jane Birkin, et la vivacité d’une bombe énergétique.

Connectée à son iPhone, elle nous offre un café, nous fait visiter son appartement aux murs chatoyants de couleurs, ouvert sur une ravissante cour pavée, et nous installe dans son salon. Un mur recouvert d’un miroir, des meubles exotiques, d’immenses tableaux d’artistes, des fleurs séchées et partout, des portants avec ses vestes, manteaux et sa nouvelle robe «Constance», qu’elle lance bientôt sur son site.

Nous avons commencé l’interview en échangeant sur le challenge d’Instagram, devenu pour toute marque émergente le canal de communication essentiel, et pour moi un pensum, car comme toute personne née avant l’ère du portable, je déteste me mettre en scène. Capucine a beau être de la génération Insta, elle m’avoue ne pas maitriser toutes les ficelles de la communication digitale, et ne pas être à l’aise avec son image. Je m’en étonne, parce que je la trouve d’un naturel absolument désarmant, mais elle me dit que non, chacun son métier, elle aime dessiner des vêtements, pas forcément en faire la promotion devant une caméra, alors elle a décidé de se faire aider par une pro, tout simplement.

Je l’écoute avec attention, je croyais que toutes les filles de la mode avait leur iPhone greffé en mode selfie H 24 mais c’est faux. La communication sur Instagram est devenue un métier, avec ses coachs, ses plannings, ses codes de communication, ses techniques de prod et ses partenariats. Croire que tout ça est inné tient de l’utopie, et je découvre chez Capucine la première qualité d’une jeune entrepreneur, elle sait s’entourer de pros.

Pendant que Delphine shoote avec enthousiasme les objets poétiques et les vêtements de Capucine, celle-ci me raconte son histoire. Au départ, ça commence en mode cancre.

Elle rate son bac, mais elle a la chance d’avoir un père qui bien qu’avocat, a compris que sa fille n’est pas faite pour les études académiques. Il l’encourage à travailler avec cette phrase inaugurale :

« On va pas s’acharner, profite de l’avantage de ton âge, bosse, ton expérience te servira plus que des études médiocres ».

Quelle chance ! J’aurais tellement aimé avoir un père qui m’encourage à être moi-même, plutôt qu’à me faire rentrer au forceps dans un moule qui n’était pas le mien…

Capucine saisit la perche sans rechigner. Elle enchaine les stages et les petits boulots, et décide de partir à Londres. Là elle rentre chez Brandy Melville, célèbre enseigne de fringues pour ados qui cartonne littéralement aux US, en Angleterre et maintenant à Paris. Elle a 23 ans, à la tête d’une équipe de vendeuses qui ont entre 18 et 20 ans qui lui racontent des craques toute la journée, mais elle adore. Elle se découvre un vrai talent de manager, de gestionnaire, et elle plonge dans l’exaltation du développement d’un business. Son anglais a progressé, bien qu’elle passe à Londres le plus clair de son temps avec des français. Son cœur d’artichaut a craqué pour un franco-libanais, elle reste une frenchie chez les roastbeef. Et c’est avec lui et 2 copains que leur vient une idée de génie. Il n’y a pas de rôtisserie à Londres, pourquoi ne pas ouvrir un resto qui sert du poulet roti ? Bingo, la bande de copains se lance, déniche un lieu dans une partie oubliée du quartier de Notting Hill, développe le concept de A à Z, déco, carte, ambiance, service, le resto Cocotte est né.

En trois ans, la petite équipe va faire un carton, parce que c’est nouveau, bon, branché, cool, le petit resto de quartier dans lequel on prend ses habitudes avec plaisir. Sushi Shop s’installe à coté, la fille de Dody Al-Fayed lance un resto vegan ultra banché en face d’eux. Le succès Cocotte va essaimer dans trois autres hot-spots londoniens. Mais alors que tout roule, un grain de sable sentimental vient bouleverser son système. Elle fait ses valises, laisse la gestion des Cocottes à ses associés et reprend l’Eurostar pour Paris.

« J’étais triste mais pas en mode serpillère – me dit-elle avec humour. Alors je me suis dit, qu’est-ce que je vais faire de tout ça ? »

L’idée s’impose à elle comme une évidence. Avec sa bande londonienne, elle avait découvert le festival Burning Man dans le désert du Nevada et ce voyage initiatique dans la cité éphémère de Black Rock City était devenu le rituel de leurs vacances estivales. Je la regarde avec des yeux ronds, je n’ai jamais entendu parler de Burning Man. Capucine m’explique.

Burning Man, c’est un festival de 7 jours fin aout qui prend la forme d’un ville éphémère dans le désert du Nevada. Créé il y plus de 30 ans par des artistes hippies de San Francisco, c’est devenu LE festival de la création artistique, un lieu où chaque participant exprime sa créativité librement, dans un esprit de partage. Une sorte d’utopie temporaire, un moment irréel, me dit Capucine avec des étoiles dans les yeux :

« On partait de Londres pour San Francisco et là on louait une caravane et c’était parti pour 16h de route. Tu dois venir avec ta création éphémère, tu coupes ton téléphone, tu campes, tu partages, tu vis la nuit, tu te déguises, tu échanges. Et au bout de 7 jours, les créations monumentales sont brulées dans un spectacle d’apothéose, on nettoie tout, et on retourne chez soi. C’est magique ».

Je suis interdite. Je ne sais pas si je pourrais vivre une semaine sous une tente par 40 degrés à servir des bloody mary, danser en tutu sous un soleil de plomb ou habiller un camion en jeu de Lego géant… mais je crois que toute expérience humaine basée sur la créativité et le plaisir de l’échange a du bon. En tout cas pour Capucine, c’est là qu’est née sa vocation. Chiner des tissus, trouver des idées fantaisistes, fabriquer un déguisement qui raconte une histoire, ça avait été son kiff.

Revenue à Paris, cette envie de créer des vêtements lui revient en boomerang. Est-ce parce qu’elle retrouve avec plaisir le chic parisien ? Est-ce que parce que sa grand-mère customisait tous ses tailleurs avec des boutons, des paillettes ou des broderies extravagantes ? Toujours est-il que Capucine a le goût du costume, mais surtout de la pièce unique qui enlève une silhouette.Consciente de ses faiblesses dans ce domaine, elle fait appel à une pro de l’identité créative et de la mode, Nadia Le Gendre, qui l’aide à définir son projet, et la forme à la création d’une collection. Elle a gardé ce travail d’une année entière dans un grimoire, un joli cahier de dessin où l’on retrouve les premières esquisses de ses vestes et des détails, les gros boutons doré à godrons, les volants, l’écharpe-cape, les paillettes, tout ce qui fait aujourd’hui le chic parisien des années 80 remixé par Martin Martin.

Le trajet de Capucine est jalonné de rencontres, et si elle a créé les restaurants Cocotte avec sa bande d’amis de Londres, elle va lancer MARTIN MARTIN avec l’aide de Constance et Sylvain, ses voisins de palier de la rue de Paradis. Constance devient son amie, sa conseillère, sa bonne fée, et Sylvain le directeur artistique de sa marque. Il créé son identité graphique, son logo et il réalise tous les shootings.

Constance est une pro de la mode, elle a été la directrice de la communication du talentueux créateur libanais Rabih Kairouz, elle connait par cœur l’écosystème commercial  de la mode. Elle met Capucine en contact avec un agent New Yorkais qui a le coup de foudre et place illico la collection dans son showroom. Les acheteurs de Net-à-porter débarquent la semaine suivante, craquent pour la nouvelle marque parisienne, et commandent 500 vestes.

Bergdorf et trois autres concept-stores influents embrayent, le coup est parti.

On est en 2019, et toute l’année, Capucine vend ses vestes à tour de bras sur Net-à-porter qui la booste à fond. Elle vit l’euphorie des recommandes, mais la marge du distributeur qui s’additionne à une production parisienne couteuse se répercute sur le prix, 1000 € la veste. Début 2020, le nouveau réassort tombe, mais dès février, le Covid fait tout exploser.

« J’ai été prise d’un stress monstrueux, parce que chez Net-à-Porter, si 65% des stocks ne sont pas vendus, ils obligent le créateur à les racheter. Et évidemment, en période de confinement, personne n’allait s’acheter mes vestes à paillettes pour briller dans des soirées… »

Finalement, Net-à-porter qui a le même problème avec toutes les marques se résout à solder, mais cette alerte pousse Capucine  à sortir son business de cette dangereuse dépendance. Et puis elle a envie d’autre chose pour sa marque. C’est à ce moment qu’elle se dit :

« Je veux connaitre mes clientes »

« Je veux être moins chère »

« Je veux faire la même chose que ce que je faisais pour les boutiques les plus exigeantes, mais je veux le faire pour le plus grand nombre »

Forte de ce manifesto, elle consacre le début de l’année 2021 à revoir entièrement sa copie. Plus de distributeurs, un eshop dédié à la marque, le lancement en mai de sa robe mi-caftan mi-kimono baptisée « la robe Constance », une communication hyper musclée sur le digital, et des prix drastiquement repositionnés à la baisse. Ses vestes sont restées les mêmes, tissus, coupe et détails impeccables, mais le prix est passé de 1000 € à 350 €, de quoi me rendre folle de bonheur, et je ne serai pas la seule s’est sûr !

Delphine trépigne d’impatience, elle veut shooter tous les modèles sur Capucine. La séance photo commence, moi je fais tapisserie, ce qui me fait des vacances parce que comme déjà dit plus haut, le rôle de mannequin est un contre-emploi à ma nature tragi-comique.

A l’inverse, Capucine est ravissante de naturel, pieds nus dans sa robe Constance en satin rouge carmin, fatale dans la version noir intense. Elle porte ses vestes sur un jean avec son élégance nonchalante, son chignon noué à la va-vite, elle joue avec la lumière dorée du soleil qui remplace avantageusement un make-up sophistiqué.

En la regardant, je réalise que l’élégance est là, dans cet élan spontané qui se défie des règles, « une conscience ouverte sur soi-même » comme dit le grand écrivain espagnol Manuel Vilas, «une attitude, une façon de se tenir devant le miroir universel du temps».

Le portable de Constance vibre, son attention flanche, les affaires reprennent. Son site ouvre début mai (à l’heure où j’écris ça y est !!!), elle a devant elle trois semaines de charrette pour tout boucler, le moment n’est pas à la poésie, plutôt à l’action. Je quitte Capucine à regret, moi aussi j’aurais bien aimé tout essayer, mais malheureusement, ses protos sont tous en 36 et je fais un bon 40…

Mais en Mai fait ce qu’il te plait, et Mai c’est maintenant. Je suis sur le site de Martin Martin, et je me vois avec la robe Constance nude, en basket ou en talon de 12, avec ou sans make up, pour me balader ou pour une soirée, parce que  j’ai bien compris la leçon de Capucine.

L’élégance ne réside pas dans le prix de ce que l’on porte, mais dans le plaisir qu’on a de le porter.

Photo du shooting Selim Mouzannar AW19 Persona Editions

Photos Delphine Jouandeau

Texte Sylvie Arkoun

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