Sylvie Corbelin est un personnage.
Quand elle m’a ouvert la porte de son appartement niché dans une rue du vieux 3ème arrondissement, j’ai senti que je rentrais dans un univers unique, une sorte de refuge de création, à mi-chemin entre le cabinet de curiosité et l’atelier d’artiste. Elle a tout de suite suscité ma curiosité, vous savez le truc qui s’impose quand on rencontre quelqu’un qui vous captive et vous étonne, entre sentiment de proximité et d’étrangeté. Et puis on s’appelle Sylvie toutes les deux, « Les filles du feu » de Gérard de Nerval, les Sylphides, les nymphes de la forêt… ça porte au romanesque (enfin quand on zappe Sylvie Vartan of course…). J’ai eu l’impression de plonger avec elle dans un univers onirique, un peu magique.
Je la vois rigoler en lisant ces lignes, vu que je l’ai rencontrée au début du mois de juillet en pleine période de canicule parisienne et qu’on est en novembre. Pas pressée de faire mon portrait la blogueuse, doit-elle se dire…
Et c’est vrai que Sylvie Corbelin est une créatrice qui est en dehors de l’air du temps. Elle a un univers qui n’appartient qu’à elle, puisé dans ses voyages, sa passion pour la chine de bijoux anciens et les pierres atypiques, elle se fiche pas mal de la mode, ce qui la rend terriblement singulière, presque iconique.
Après avoir sillonné les chemins balisés de la fashionweek, je dois dire que j’ai perçu avec encore plus d’intensité la force des créations de Sylvie Corbelin.
Elle m’a accueillie très chaleureusement, et pendant que je jetais un œil curieux sur les nouvelles compositions de pierres alignées sur sa table, elle m’a expliqué sa philosophie.
Elle dit qu’elle ne crée pas en fonction des saisons, qu’elle ne construit pas de collections, mais qu’une pièce naît sous une impulsion créative irrépressible. Elle revendique sa liberté, et m’avoue qu’elle ne veut pas être « inféodée à des contraintes commerciales ». Une apôtre du « slow business », une sorte de rebelle dans le monde du bijou en cours de fashion-isation.
Elle est un peu mystérieuse, et ne se révèle que par pans, par petites touches. J’ai senti qu’elle gardait l’essentiel pour elle, jalouse d’un jardin secret où doit se protéger sa créativité foisonnante, voilée par un coin de mystère qui lui confère une aura particulière. Elle a une gaieté explosive, une parole originale, et ses cheveux roux lui donnent l’allure flamboyante, un mix entre la rayonnante Juliane Moore et l’intense Sonia Rykiel…
Gemmologue de formation, et antiquaire depuis toujours, Sylvie Corbelin m’a raconté sa passion pour la chasse aux objets précieux. Dans sa petite boutique du marché Paul-Bert aux puces de Clignancourt, elle a commencé par collectionner des objets et des bijoux anciens, qu’elle chinait dans le monde entier.
Pour elle, chiner est un virus dont on ne guérit pas, un réflexe, une obsession définitive, une démarche de vie. Elle connaît sur le bout des doigts tous les styles de bijoux anciens, ceux des ateliers français des XVIIe au XIXe siècle, les bijoux de l’antiquité, les pré-raphaélites et Art&Craft Anglais de la fin du XIXe, les opulentes pièces des Tsars Russes, et l’artisanat ancestral de l’Inde, de la Perse et du Maghreb.
Elle raconte avec beaucoup de poésie la force de l’intuition qui la pousse à acheter des pièces exceptionnelles : « Quand je vois un bijou extraordinaire, mon cœur se serre. C’est quelque chose de l’ordre de l’amour, une émotion qui dure. »
Elle trouve aussi sur son chemin des lots de pierres, comme ces sublimes turquoises talismaniques perses, gravées en farsi de versets du Coran, des poèmes consacrés à Dieu… Elle me montre une bague faite avec une de ces turquoises, je la manipule avec fascination, il y a une patine qui pare ce bijou de vertus extraordinaires, j’ai l’impression de voyager dans l’Orient merveilleux, cette pierre me parle. Ravie de me voir succomber à la même fascination, elle conclut : « il y a des choses qu’on ne peut pas laisser passer, j’ai acheté ce lot en une seule fois, j’ai pris un énorme risque commercial ».
En tant qu’antiquaire, elle était connue pour posséder des pièces uniques, et à force de voir s’accumuler des trésors, elle a eu envie de créer ses propres pièces, réalisées à partir d’éléments de bijoux anciens. Elle me dit que son œil s’est fait petit à petit, et que c’est en 2004 qu’elle dessine ses premières pièces. Elle commence par travailler de manière totalement artisanale, enfile des perles anciennes en sautoirs, fait du dépôt vente. Devant le succès, elle décide de mettre ses créations dans sa boutique, arrête les antiquités, et se consacre totalement à ses propres créations.
Elle puise dans les lots de pierres uniques qu’elle a achetés au fur et à mesure de ses chasses au trésor, dessine sur ses carnets, compose de ravissantes aquarelles. L’image que me renvoie son processus créatif, c’est un peu celle de la fée qui touille sa potion magique, une recette qui n’appartient qu’à elle, concoctée à base d’ingrédients mystérieux qu’elle a trouvé quelque part, il y a déjà bien longtemps. Elle cherche à reproduire l’émotion qu’elle ressent quand elle découvre une pièce rare, d’ailleurs chacun de ses bijoux me propulse dans un récit mythologique, de l’Odyssée aux Mille et Une Nuits, en passant par les Contes de Perrault.
Ses créations font référence à leurs héroïnes, tragique petite sirène, enchanteresse Shéhérazade, fatale Salomé et se nomment « Ramdam », mot arabe qui signifie explosion de couleur, « Spartacus Argent », « Après Midi d’été », « Syracuse enchantée », « Pour vivre heureux vivons cachés », « Chimères » ou « Bouclier jour de mai Fleuri ».
Chaque bijou de Sylvie Corbelin est un conte, un petit monde où se côtoient bestiaire mythologique, personnages antiques et fleurs extraordinaires. Un monde de pierres uniques et multicolores, travaillées dans la grande tradition joaillère française. Car Sylvie ne se fie qu’à la tradition de l’artisanat français pour la réalisation de ses pièces, et si sa création naît d’influences multiples et lointaines, elle voue une fidélité indéfectible à son atelier français, qui partage la même vision qu’elle des détails d’un bijou, détails dans lesquels elle voit se nicher l’émotion, toujours l’émotion…
Je n’ai pas vu défiler les deux heures passées ensemble cet après-midi de juillet, dans la fraîcheur de son salon ancien, éclectique et charmant, j’ai eu l’impression d’un voyage, d’une pause dans le temps. On a dégusté une pastèque fraîche à la menthe qu’elle avait préparée pour nous rafraîchir, je serais bien restée pour l’entendre me raconter ses voyages, ses aventures, et ses chasses au trésor, bref, pour connaitre le off de Sylvie Corbelin, l’autre face du personnage, la fille qui a mille odyssées façon gossip à raconter, pour satisfaire mon insatiable curiosité… de greluche !
Mais il ne faut pas être trop gourmand(e), et je suis partie avec le sentiment poignant que la création est véritablement l’histoire d’une vie, d’une passion, et d’une pensée singulière, hors des sentiers battus, une histoire exigeante.
Sylvie Corbelin a rencontré le succès sur ce chemin escarpé, sa bague Initiée a été encensée par la presse et plébiscitée par les clientes, cette bague serpent est pour moi la plus belle, ronde, opulente, sensuelle.
Elle a peu de points de vente, mais que des bons, et sa communication est à son image : poétique, décalée, raffinée.
Si vous passez au marché aux Puces, passez-la voir dans sa boutique du marché Paul-Bert, elle y est tous les week-end, et elle vous fera découvrir les trésors qu’elle cache et ne met pas toujours en vitrine, toujours son culte du mystère, de la pièce unique, de la pépite à découvrir.
Sinon allez découvrir son site et son eshop, elle y vend ses best sellers, dont ses magnifiques bagues serpent, ses amis intimes !
Une belle histoire au-delà du bijou :)…