Quand j’étais petite, je me félicitais d’être née dans une époque formidable, époque où les médecins guérissent les maladies terrifiantes à coup d’antibios, les dentistes endorment la bouche avant de soigner une dent, et les machines tournent toutes seules pour éviter aux mamans d’aller s’éreinter le dos au lavoir.
Par la suite, j’ai eu moult occasions de me féliciter toujours et encore de mon époque et du formidable confort de la modernité : la péridurale pour ne ressentir que le bonheur de mettre au monde deux merveilles, l’avion pour le rêve de se projeter au bout du monde en 10 heures, le botox pour ne pas ressembler à un sharpay après 40 ans, Zara pour s’habiller chic et pas cher…
Mais depuis peu, je pense que cette idée qui veut que le temps suit un programme d’amélioration linéaire, et que ce que nous vivons aujourd’hui est mieux qu’hier, est en cours d’obsolescence.
Sans aller jusqu’aux sujets graves ( je ne vais pas vous parler de guerre de religions dans un blog sur les bijoux … ) il est une phrase que j’entends de façon récurrente : « Aujourd’hui, les tomates n’ont plus le goût de tomate ».
Phrase à laquelle j’ajouterais le commentaire suivant : « Et d’ailleurs, je ne sais plus très bien ce qu’est le vrai goût d’une tomate »
A force de standardiser l’agriculture, la bouffe, l’électronique, les meubles, les fringues, et tout ce qui fait notre quotidien, nos sens se sont émoussés, et ce que nous consommons finit par être aussi insipide qu’un régime sans sel.
Notre ère industrielle est la grande coupable de cette agueusie déprimante, et cette standardisation est à double tranchant. Oui tout est disponible, accessible, et démocratique, mais en même temps, le format générique nous transforme en clone, et tue toute aspérité. On ne sait plus où et comment sont fait les produits, par qui, selon quel procédé, et cette opacité anonyme détruit la valeur de chaque produit, le démonétise, le vide de tout contenu affectif.
Le vrai luxe aujourd’hui, c’est de renouer avec la tradition du sur-mesure : de la couturière qui prenait vos mensurations pendant de longs essayages pour vous faire la robe de vos rêve, du sac qui est siglé à vos initiales, du bijou qui n’a été fait que pour vous, du parfum unique qui est l’essence même de votre madeleine de Proust.
Le sur-mesure est l’exception dans l’océan standardisé de nos vies, il est une pause dans le temps pour se remémorer ce qu’on aime, il est la curiosité de l’artisanat retrouvé, et au delà de tout ça, il est l’essence même de notre individualité, comme si le sur-mesure nous rappelait que non, nous ne sommes pas encore des clones, et que chaque personne sur cette terre est absolument, incontestablement, scientifiquement, spirituellement ….unique.
Par dessus tout, ce qui rend le sur-mesure magique, c’est la rencontre de deux personnes entre lesquelles va se tisser une relation particulière, une complicité rare : le créateur qui créé et le client qui rêve.
J’ai interviewé récemment deux femmes irrésistibles qui m’ont transmis leur passion communicative pour le sur-mesure : passion du bijou pour Annette Girardon , et passion du parfum pour Sylvaine Delacourte de la marque Guerlain.
Le hasard fait que nos chemins professionnels se sont déjà croisés : Annette a commencé sa carrière marketing comme moi dans une société d’étude de marché, jumelle allemande de mon premier employeur.
Quant à Sylvaine, elle a fait toute sa carrière chez Guerlain à la formation et au développement parfum, et j’ai toujours gardé un souvenir émerveillé de ses séances d’initiation au parfum quand j’étais chez Guerlain, une bulle onirique dans un emploi du temps de marketeuse surbookée. Aujourd’hui, elle élabore avec Thierry Wasser, le nez de Guerlain, les parfums sur mesure et la ligne Les Exclusifs.
Toutes les deux sont des créatives empathiques : elles observent, écoutent, enquêtent, analysent, trient, enregistrent les univers intimes, elles ont de petites antennes invisibles qui captent l’essence de « l’autre », elle sont capable de traduire une personnalité en un bijou pour l’une, et en un parfum pour l’autre.
Leur démarche créative ressemble à celle du peintre qui par touches, reproduit sur la toile le reflet d’une personne. Elles sont des alchimistes subtiles qui transforment des sensations en une création unique dont l’ADN est identique à celui de la personne qui l’a rêvée.
Annette Girardon a fait de la joaillerie son métier à la fin des années 90, elle a suivi la formation BJO de l’école du Louvre, et très rapidement, elle s’est mise à confectionner des pièces uniques qu’elle façonne elle même à partir de prototypes en cire. Elle s’est entourée des meilleurs artisans parisiens pour la réalisation des pièces, et s’est spécialisée très vite dans le sur-mesure.
C’est sans doute son passé de professionnelle des études de marché, allié à son empathie naturelle qui ont poussé Annette à développer sa méthode de création, qu’elle a nommée «L’atelier Révélation».
Quand je suis arrivée dans son charmant atelier de la rue du Mont Thabor au fond d’une cour lumineuse et verte, j’ai tout de suite senti que j’allais passer un bon moment.
Quand Annette vous invite chez elle dans son univers, elle sait créer cette complicité qui fait qu’en 5 minutes, on a l’impression de la connaître depuis toujours.
Ce qu’elle aime par dessus tout, c’est écouter sa cliente, comprendre ses goûts, son univers esthétique, elle passe du temps, imagine des jeux projectifs, et de ces discussions, elle convertit les mots en langage visuel, en mood-boards qui vont lui permettre de dessiner le bijou. Parfois elle part de formes, parfois d’une pierre qui lui a été confiée, parfois de gammes de couleurs, mais le chemin qu’elle emprunte est toujours différent.
Chaque projet est une aventure, qu’elle transcrit dans de jolis cahiers couverts de photos, dessins, aquarelles, qui lui servent de guide pour aboutir à sa création.
Quand je lui demande de me montrer ses cahiers, elle hésite : « C’est un peu confidentiel, chaque cliente m’a fait confiance, m’a dévoilé son univers intime, ce travail, c’est secret… »
Les créations d’Annette sont organiques, géométriques, toujours poétiques. Contrairement aux marques qui travaillent sur des collections reliées par un fil conducteur, on sent qu’Annette réinvente un petit monde sur chaque création.
Sa patte est dans l’excellence de ses pierres et de ses techniques, mais j’ai vraiment ressenti ce besoin qu’elle a de mettre sa création au service d’une personne unique, sa cliente.
En voyant les mood boards d’Annette et cette technique si particulière d’enquête personnelle, j’ai fait le lien avec la démarche de Sylvaine dans le domaine du parfum sur-mesure.
Après l’atelier d’Annette, j’ai entraîné Sarah, ma photographe préférée, à la boutique Guerlain des Champs Elysées pour rencontrer Sylvaine.
Je dois avouer que je n’étais pas retournée dans cette boutique mythique depuis 15 ans, date de mon départ de Guerlain, et j’ai eu un véritable choc !
Entièrement refaite par Andrée Putman puis Peter Marino, l’architecte star du groupe LVMH, ce lieu classé monument historique est devenu un véritable… joyau. C’est plus qu’une restauration, c’est comme si la maison Guerlain avait sorti tous ses trésors d’un grenier, les avait dépoussiérés, embellis, revisités, rajeunis, magnifiés.
Il faut monter l’escalier majestueux qui part de la boutique, visiter les salons extraordinaires du 1er étage, déambuler autour du somptueux orgue à parfum.
Il faut admirer les créations uniques de Lorenz Bäumer, Sylvia Toledano, et Gripoix, qui habillent Shalimar et les flacons de cristaux Baccarat de bijoux ravissants.
Il faut s’extasier devant le mur de flacons abeilles, symbole absolu de la maison Guerlain et de ses premières créations pour l’impératrice Eugénie, qu’on peut personnaliser à son idée.
Il faut pénétrer dans le fameux institut décoré par les œuvres de Christian Bérard, Jean Michel Franck et Diego Giaccometti, fermer les yeux, et remonter le temps pour respirer une effluve de Vol de Nuit, se projeter dans le foisonnement artistique français de l’entre deux guerres.
Il faut se laisser conduire par Sylvaine dans le salon privé, se laisser entraîner dans son monde hypnotique, raconter ses souvenirs d’enfance, remonter dans sa mémoire olfactive, et l’aider à trouver au plus profond de soi les indices qui permettront à la maison Guerlain de créer la formule d’un parfum unique, un parfum pour soi.
Vous allez dire que je vous saoule avec mes « il faut » !
En même temps, appuyer sur le bouton pause, fuir les importuns stressants, débrancher son iphone, couper le fil de notre époque formidable, et adhérer ne serait-ce qu’un moment au slow (pas la danse de drague pour se peloter dans les boums, non, la vie ralentie au rythme d’il y a 2 siècles !!), c’est le pied total !
Je vois que j’ai déjà fait 3 pages sur le sur-mesure, et qu’on va me taxer de trop bavarde.
Je sais que le sur-mesure est cher, et que ce qui était la normalité il y a deux siècles est devenu le luxe ultime d’aujourd’hui.
Je sais que l’artisanat est une rareté, et qu’il entre dans un espace temps qui n’est plus le notre aujourd’hui, dévorés que nous sommes par les technologies de l’instantané.
Mais je sais aussi que passer du temps avec Annette et Sylvaine, c’est plonger au fond de sa propre histoire, de sa propre mémoire, c’est imaginer à deux le bijou ou le parfum de ses rêves, c’est accéder à l’émotion pure, le paradis perdu de son enfance, sa madeleine de Proust, le vrai goût de la tomate, bref une sorte de nirvana personnel.
Mon sur-mesure :
Pour les parfum Guerlain :
- Sans aller jusqu’au parfum sur mesure, on peut aussi choisir son parfum chez Guerlain et le mettre dans le flacon abeilles de son choix.
- On peut signer un flacon, choisir la couleur du ruban, bref, personnaliser son parfum préféré
- On peut choisir un flacon d’une série limité dont chaque flacon est numéroté
- On peut choisir dans la sublime ligne Les Exclusifs, moi j’ai total craqué pour Angélique Noire, je me shoote avec !!
- On peut s’inscrire à un atelier initiation au parfum qui se déroule dans les salons privés, un bonheur !
Pour les bijoux :
- Evidemment chez Annette Girardon, 7 rue du Mont Thabor, pour sa délicatesse.
- Chez Lorenz Bäumer, 19 place Vendôme, pour un grand nom de la joaillerie
- Chez Myrtille Beck, 30 rue Henri Monnier, pour son adorable charme antique
- Chez Agop Castany, rue du Faubourg Montmartre, pour son coté rock déjanté
- Et pardon à tous ceux que je n’ai pas cité mais que j’invite à se signaler ici !!
Et pour les sacs, le conseil de mon amie Martine :
- Chez L’Uniforme : modèle de besace n° 43, on choisit la couleur et on fait imprimer ses initiales en monogramme, le chic total !!
Magnifique article, je me suis régalée, merci !
Merci Pauline !
Quelle plume !!!! Un vrai plaisir de vous lire… C est comme lire un bon roman…
Merci Esther,contente que ça vous plaise !
Merci Sylvie pour cet article superbe ! Annette
🙂 !!
Des News bijoux que j ai plaisir à lire.
Merci !
Bravo Sylvie ! Un plaisir de te lire ! A bientôt
Bravo Sylvie! Angélique noire qui est mon préféré aussi!
je n’ai pas encore ce niveau, mais merci de me faire découvrir cette créatrice, c’est très beau, par contre je suis à fonds dans l’idée de donner la chance aux petites mains pour un monde non uniforme en terme de création, et pour moi proposer de la pièce unique a des prix corrects à toutes, que nous ayons les moyens ou non, est important car comme dit la pub nous le vallons bien, et il ne suffit pas de s’appeler Céline Diom ou Lady gaga et tutti quanti pour s’offrir de joli chose, belle journée
[…] post Back to « Sur-Mesure » appeared first on Les Precieuses pour des histoires de bijoux et de […]
[…] Source: lesprecieuses.fr […]
[…] Source: lesprecieuses.fr […]