« C’est difficile de donner seulement 3 marques de joaillerie nées avec le siècle et qui ont marqué leur temps ! »
Au 20ème siècle (siècle des téléphones à cadran, de l’ORTF, du franc, de ma naissance…) quand on pensait joaillerie, on citait les marques de la place Vendôme pour les occasions d’exception, ou les bijoutiers de quartier pour les anniversaires et les baptêmes, et basta.
Depuis le début du 21ème siècle, le marché de la joaillerie a littéralement explosé, une myriade de créateurs sont arrivés avec des propositions différentes et ultra désirables.
On a commencé à parler de joaillerie décomplexée quand les femmes se sont mises à acheter elles-même leurs bijoux et maintenant on parle de joaillerie du futur avec l’arrivée de la génération Z.
Selon une étude prospective réalisée par le cabinet Martine Leherper Conseil, cette nouvelle génération aborde le bijou avec une spontanéité qui déplace la notion de pouvoir vers la notion de charisme et la notion de valeur vers celle des valeurs : fluidité de genre, éthique, écologie, inclusivité, authenticité, légitimité, agilité. La découverte du diamant de laboratoire et l’arrivée du web 3.0 avec ses mondes virtuels viennent aujourd’hui bouleverser l’épistémè immuable de la joaillerie. Entre ancrage dans la tradition et enjeux du futur, il y a de quoi en perdre son latin.
C’est en découvrant cette étude et en écoutant Precioux Talk, le podcast de Chaïma Teisseire, la nouvelle voix envoutante de la joaillerie, que je me suis posée cette question : si je devais sélectionner 3 marques de joaillerie qui ont marqué le début du 21ème siècle, quelles sont celles que je retiendrais ?
Si je devais sélectionner 3 marques de joaillerie qui ont marqué le début du 21ème siècle, quelles sont celles que je retiendrais ?
Sylvie Arkoun
J’ai pris un papier et un crayon et en 5 minutes, j’ai noirci une page entière.
Et puis, j’ai mordillé mon crayon comme la mauvaise élève qui a plongé dans sa dissertation sans faire de plan, et j’ai réalisé que j’avais omis 2 critères fondamentaux, le rayonnement et la pérennité de la marque.
Et là j’ai commencé à raturer les noms sur ma liste.
Celle-ci est trop à la mode ça va passer… Celle- là est hyper créative, mais elle n’a pas pris le virage du digital… Celle-là n’a pas de produit iconique malgré un succès commercial pérenne… Celle-ci n’a pas le niveau d’exigence de la joaillerie…
Et j’en passe… Je trouvais toujours un hic !
A la fin, je n’avais plus que 3 marques et non seulement je n’étais pas sûre de mon choix, mais pire, j’ai réalisé qu’il était totalement subjectif !
Alors j’ai pris mon téléphone, et j’ai posé la question à 7 femmes connues pour leur intuition géniale sur le marché de la joaillerie ou des tendances. Quitte à dévoiler sa subjectivité, autant la partager avec les meilleures !
Stéphanie Roger, Catherine Miran, Géraldine Mahe, Muriel Piaser, Marie Gas, Chaïma Teisseire et Hélène Lassy, 7 femmes ultra précieuses m’ont confié leur best of de la joaillerie d’aujourd’hui et de demain.
Impossible d’écrire ce post sans commencer par Stéphanie Roger. A elle toute seule, elle concentre dans son concept-store de bijoux de créateurs White Bird les plus belles marques indépendantes du moment dénichées aux quatre coins de la planète.
Fondée il y a 12 ans, la première boutique de la rue du Mont-Thabor a depuis essaimé dans le Marais et à Saint-Germain des Prés.
Quand on cherche un bijou d’émotion imaginé par un créateur hors du commun, on est sûr de le trouver chez elle. Ayant fait ses classes dans le marketing de grandes maisons de joaillerie, Stéphanie a démontré avec White Bird la puissance de cette nouvelle vague de créateurs.
Stéphanie a pris le temps de la réflexion, je sais qu’elle aurait voulu me citer toutes ses marques… Sa réponse est arrivée sur ma boite mail claire, concise, et comme toujours, parfaitement argumentée :
Stéphanie Roger fondatrice du concept store WHITE BIRD :
- Fernando Jorge
- Sophie Bille Brahe
- Polly Wales
Stéphanie Roger
Fernando Jorge : pour avoir créé une marque avec une très forte identité, pour le lien qu’il tisse entre chaque collection, pour la très belle qualité de ses finitions et de ses pierres de couleur.
Polly Wales : pour son style très identifiable basé sur une fabrication originale qui utilise la fonte à cire perdue avec les pierres incluses, donnant un aspect très organique à ses bijoux, et pour ses mix de couleurs extraordinaires.
Sophie Bille Brahe : pour avoir révolutionné la perle, notamment des boucles d’oreilles, et pour avoir également traité avec beaucoup de liberté et un esprit très contemporain ses bijoux en diamants.
Mais aussi : Charlotte Chesnais pour ses lignes simples, graphiques et ses nouveaux portés, et JEM la première marque à s’engager sans concession sur la voie du sourcing éthique bien avant tout le monde.
Pour Stéphanie, le critère qui emporte tout, c’est une forme d’équilibre entre singularité, nouveauté et identité.
Mais ce qu’elle ne dit pas mais que je sais pour la connaitre depuis longtemps, c’est que ce qui la pousse à choisir une marque, c’est tout simplement l’émotion éprouvée devant les bijoux.
Si j’ai pensé à interroger Catherine Miran, c’est parce que je voulais avoir l’avis d’une pro de la communication. Qui mieux que la fondatrice d’une des plus grandes agence de presse parisienne pour parler de marque émergentes à fort potentiel ?
Son agence de communication éponyme est connue depuis plus de 35 ans pour avoir mis en lumière des créateurs géniaux comme Isabelle Marant ou avoir ressuscité des marques mythiques comme Carven ou Petit Bateau.
Son fait d’arme dans la joaillerie, c’est Ginette NY, la marque iconique fondée par Frédérique Desmond au début des années 2000. Catherine a joué le jeu avec enthousiasme, sa réponse est une belle envolée lyrique :
« C’est difficile de donner seulement 3 marques de joaillerie nées au 21e siècle, et qui ont marqué leur temps !
Pour moi, plutôt que des marques, j’ai plutôt envie de parler d’une génération de femmes qui ont tout changé !
Une manière de porter et de faire les bijoux autrement…
Non plus pour paraître riche, mais plutôt une continuité de son soi, une parure pour soi, un talisman pour certains, une armure pour d’autres… »
Catherine Miran fondatrice de l’agence de communication éponyme :
- Victoire de Castellane
- Aurélie Biderman
- Ginette NY
Catherine Miran
Catherine m’écrit qu’elle a fermé les yeux pour voir défiler ses créatrices favorites :
Victoire de Castellane et ses collections Dior Joaillerie faites de diamants, de pierres précieuses extraordinaires, comme une histoire de princesse.
Aurélie Bidermann pour ses bijoux si glamours. Frédérique Desmond de Ginette NY et sa Disc Ring en agate, pierre de lune, malachite, lapis lazuli que nous portons toutes.
Mais aussi : Charlotte Chesnais, et ses volutes d’argent ou d’or, Marie Poniatowski et ses minis-minis diamants dentelés, et Valérie Messika et ses diamants mobiles.
Pour Catherine, le critère qui emporte tout, à l’évidence c’est l’audace au féminin !
Non pour paraitre riche, mais pour être soi… Les mots de Catherine Miran faisaient écho à l’étude prospective de l’agence Martine Leherpeur Conseil. J’ai appelé Geraldine Mahé, co-auteur de cette étude avec Jean-Philippe Evrard, et je leur ai demandé à eux aussi leur top 3.
Après tout, c’est leur travail de lire dans la boule de cristal !
Géraldine Mahé, en charge d’études prospectives et stratégie de marque pour Martine Leherpeur Conseil
- Stone Paris
- Charlotte Chesnais
- JEM
Géraldine Mahé
Pour Géraldine, la recette du succès tient sur deux piliers : une identité de marque actuelle et l’ancrage de cette identité dans une boutique en propre. Une fois ça posé, difficile de sortir du groupe des « Off Vendôme », ces marques ultra désirables dès leur lancement installées dans ce quartier voisin de la Place Vendôme défriché par White Bird : Stone, Charlotte Chesnais, JEM, mais aussi Pascale Monvoisin et Statement.
Pour Géraldine, le critère qui emporte tout, à l’évidence, c’est l’hybridation entre modernité et ancrage !
Muriel Piaser a une vision différente qui est aussi liée à son métier.
Elle vient du monde des salons de mode et d’accessoires et a fondé Precious Room by Muriel Piaser, un évènement prestigieux, intime et convivial qui permet aux créateurs de rencontrer deux fois par an des distributeurs, mais aussi tous les acteurs qui gravitent dans la sphère de la joaillerie créative.
Muriel mise sur le rayonnement des marques à l’international grâce à leurs partenaires retail, elle a été la première à lancer des marques de Fine Jewelry dans les concept-stores de mode les plus pointus de la planète.
Muriel Piaser, fondatrice de l’évènement PRECIOUS ROOM
- Charlotte Chesnais
- Ginette NY
- Jacquie Aiche
Géraldine Mahé
Les 3 marques qui lui sont venues spontanément en tête ont imposé en très peu de temps leur style dans l’univers désormais intimement lié de la mode et de la joaillerie créative, Charlotte Chesnais, Ginette NY, et Jacquie Aïche.
Pour Muriel Piaser, le critère qui emporte tout, c’est le rayonnement d’un style à l’international !
Marie Gas a fait le chemin inverse de Murielle. Née dans le bijou, (son père André Gas a fondé la très célèbre marque marseillaise Gas Bijoux), elle a fait de la mode son terrain de jeu favori.
Son ravissant concept-store By Marie est connu pour sa sélection pointue, solaire et très personnelle de mode, d’accessoires et de joaillerie, car le bijou reste son accessoire fétiche.
Infatigable globe trotteuse, fan d’artisanat et génie des couleurs, Marie a le chic pour dénicher des créateurs inconnus qui s’inscrivent harmonieusement dans son univers.
Un bijou choisi par Marie Gas est promis à un bel avenir, parce qu’il est immédiatement mis en valeur dans ses looks de la saison.
Marie Gas fondatrice du concept store By MARIE :
- Alice Cicolini
- Marie Lichtenberg
- Brooke Gregson
Marie Gas
Elle a choisi sans hésiter 3 marques qu’elle a été la première à distribuer en France : Alice Cicolini pour son travail précurseur sur l’émail, Marie Lichtenberg pour ses collections de lockets magiques et ses accumulations de chaines et Brooke Gregson pour ses pierres de couleurs fabuleuses et son or texturé comme une étoffe. Une sélection qui bouge au fil des saisons et qui se renouvelle sans cesse.
Pour Marie Gas, le critère qui emporte tout, ce sont les couleurs solaires d’une joaillerie au service du style.
Aux antipodes de ce pôle joaillerie mode, il y a la place Vendôme, un monde secret que Chaïma Teisseire semble connaitre comme sa poche.
De son podcast Precious Talk, j’ai déduit qu’elle est une pro du négoce des pierres précieuses, et que toutes les défenses de ses invités de premier plan cèdent sous le charme de sa voix de Shéhérazade.
Chaïma Teisseire, auteur du podcast PRECIOUS TALK :
- Messika
- Ana Khoury
- Fernando Jorge
Chaïma Teisseire
Quand je l’ai contactée sur Instagram pour lui poser ma question, le nom de Messika a fusé dans l’instant.
Des produits iconiques, l’exigence joaillière, une communication fondée sur la puissance féminine plus que sur le bijou lui-même, un développement international hyper cohérent. Oui, Messika est la seule marque de créateur à avoir gagné sa place aux côtés des grands de la place Vendôme.
Et qui d’autre ? Et là, oh surprise !!! Chaïma a séché, elle m’a avoué qu’elle connaissait mieux le monde de la joaillerie que celui des créateurs et qu’elle avait besoin d’y réfléchir…
Elle est revenue 2 jours après avec la suite de sa réponse, Fernando Jorge et Ana Khouri, pour leur créativité alliée à leur virtuosité joaillière.
Pour Chaïma, le critère qui emporte tout est l’excellence joaillière.
Si je conclus enfin mon tour de piste avec Hélène Lassy, c’est parce qu’en vrai, c’est au départ avec elle que je me suis prise à ce jeu !
Hélène était acheteuse joaillerie aux Galeries Lafayette quand j’avais ma propre marque, il y a très longtemps… Depuis, elle a été responsable du développement des collections chez Didier Guerin et elle intervient aujourd’hui en tant que conseil auprès des marques pour optimiser leur offre et les aider à trouver les meilleurs partenaires de production.
Hélène a un œil, elle sait repérer la désirabilité d’une marque et elle est dingo de bijoux comme nous toutes !
Hélène Lassy, acheteuse, experte en développement de collections et sourcing :
- Messika
- Ginette NY
- Marie-Hélène de Taillac
Helène Lassy
Son choix est parfaitement équilibré et introduit dans le palmarès la sublime marque Marie-Hélène de Taillac pour avoir ouvert la route des Indes direction Jaïpur avec ses pierres de couleurs extraordinaires mises à nue sur l’or jaune 22 carats.
Ginette NY, pour avoir lancé la mode du bijou de peau en or rose avec son monogramme signature.
Et Messika pour son succès international, son modèle iconique Move et l’alignement de toutes les planètes qui constituent son image.
Pour Hélène, le critère qui emporte tout c’est la capacité d’une marque à imposer un modèle iconique.
Il ne reste que moi, 7+1 ça fait 8 femmes, comme dans le film de François Ozon.
J’aime et j’avais retenu toutes les marques citées, évidemment.
Mais après avoir beaucoup parlé de femmes, j’ai envie de rééquilibrer le tableau en mettant à l’honneur mes créateurs masculins préférés.
Selim Mouzannar pour le charme somptueux de ses bijoux des mille et une nuits, Fernando Jorge pour ses bijoux aériens et sensuels, et Elie Top pour ses parures médiévales et ses bijoux stellaires. Parce que tous les 3 sont charmants, talentueux, ancrés dans leur héritage culturel, que leur bijoux me font rêver, et parce que dans la joaillerie comme dans la vie, la beauté, c’est avant tout la diversité !
Merci à mes 7 pythies de s’être prêtées au jeu périlleux du best of de la nouvelle joaillerie. Complices de longue date ou nouvelles dans ma constellation, nous sommes toutes animées par notre passion commune et notre engagement.
Comme toutes me l’ont dit, pas facile de citer seulement 3 marques, parce qu’en réalité, on en aime tellement !
Et pour rendre à César ce qui appartient à César, c’est en partie grâce a cette team précieuse que toutes les marques de joaillerie citées dans ce post rayonnent à Paris, en France et dans le monde d’aujourd’hui !
Texte Sylvie Arkoun
Photos fournies par invitées, mon portrait par Delphine Jouandeau