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Alix Gicquel, du quatrième état de la matière au diamant

« Le plasma, c’est le quatrième état de la matière, il constitue 99 % de notre univers, ce sont les aurores boréales, la foudre, les étoiles… Et c’est de là que naissent les diamants, dans le cosmos ou… dans notre manteau terrestre. »

Alix Gicquel est Docteur en Physique. Elle a derrière elle une carrière de professeur des universités, chercheuse au CNRS et elle a fondé Diam Concept, premier laboratoire français à avoir mis au point un processus de croissance de diamants. 

Je l’ai rencontrée pour la première fois il y a un mois à l’occasion d’une présentation de ses pierres dans son showroom parisien. À la question de savoir comment elle en était venue aux diamants, elle m’avait répondu :

« Oh, c’est très vieux ! Ça remonte à 87, j’étais partie à une conférence au Japon sur le plasma ».

 J’étais restée sans voix.

Pour moi le plasma, c’est le truc liquide du sang ou bien un écran de TV, quel rapport avec les diamants ? Heureusement pour moi, Alix Gicquel a beau avoir le CV d’Einstein, elle est aussi pourvue d’une immense indulgence pour les ignares dans mon genre. Sans attendre la 2e question qui ne venait pas, elle avait ajouté : 

« Le plasma, c’est le quatrième état de la matière dont est constitué 99 % de notre univers, ce sont les aurores boréales, la foudre, les étoiles… Et c’est de là que naissent les diamants, dans le cosmos ou dans notre manteau terrestre. »

En une phrase, Alix venait de me résumer le projet de sa vie.

30 ans de recherche fondamentale sur la croissance du diamant par plasma pour aboutir à la création de Diam Concept en 2018, 5 ans pour mettre au point sa production, 6 mois pour livrer ses premiers diamants aux maisons de joaillerie françaises.

Le Monde s’est créé en 13,7 milliards d’années, Diam Concept en 35 ans de la vie d’Alix Gicquel. Interstellar en VF ?

Je ne pouvais pas passer à côté de ce pitch de science-fiction. Quand Alix m’a proposé de venir visiter son site de production aux Loges-en-Josas pour me raconter son parcours et m’expliquer (à supposer que ce soit possible vu mon niveau crasse en physique) sa prouesse technologique, j’ai foncé là-bas à la vitesse de la lumière.

En arrivant devant le grand bâtiment de béton et de verre perdu au milieu des champs, j’ai compris que je changeais de galaxie.

Hall monumental, voûte métallique formant un motif d’étoiles lumineuses, sol de parking, rares sièges épars aux improbables couleurs des années 70, formalités d’identité drastiques et badge obligatoire, tout contribuait à créer une ambiance lunaire aux antipodes des salons délicatement feutrés de la place Vendôme.

Alix a déboulé pour nous accueillir, ma photographe Delphine Jouandeau et moi. Tailleur pantalon noir, iPhone en bandoulière chic et parfum Chanel No5, ce petit bout de femme à la légèreté d’un électron et l’énergie d’un réacteur nucléaire a réchauffé l’atmosphère en une nanoseconde. Nous tutoyant d’emblée, elle nous a entraînées dans son sillage au pas de charge dans le dédale qui mène au bâtiment de Diam Concept.

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Grilles, sas, portes à codes, vidéo surveillance, Algécos sécurisés, pas de doute, les secrets de l’alchimiste high-tech sont bien gardés. À peine arrivées dans son bureau, une grande pièce envahie d’ordinateurs, dossiers, boites, enveloppes et colis en tout genre, j’ai senti une grosse tension monter chez Delphine… C’est donc là qu’on va faire les photos de la plus grande innovation du siècle en joaillerie ?

A peine assises, Alix nous offre un café, répond à un appel urgent, check ses mails, me montre le diamant deep-green VVS2 2,30 carats que vient d’aquérir une de ses amies, ouvre le colis posé sur son bureau rempli d’enveloppes de diamants certifiés par l’IGI (International Gemological Institute d’Anvers).

Elle m’explique le circuit court de production du brut au départ des Loges-en Josas suivi de la taille à Bombay suivi de la certification à Anvers suivi du retour au coffre aux Loges-en-Josas, ouvre le dit coffre-fort et en sort trois boites qu’elle pose sous mes yeux ébahis.

Je découvre une mosaïque de diamants aux couleurs d’aurore boréale nichés dans de petites boites en plastique blanche. Bleu canard, vert, gris-vert, rouge, orange, cognac, champagne, rose… De battre mon cœur s’est arrêté. Des diamants blancs, j’en ai vu beaucoup, mais ça, jamais.

Je ne perçois plus le bazar du bureau d’Alix, je suis partie dans la 4e dimension.

Je saisis avec une pince les diamants qui me font de l’œil, je les place sur ma main sous la lumière blanche. Les cognacs chauds à l’eau mordorée, les roses d’une aurore flamboyante, les champagnes pétillants d’un torrent, les verts profonds de la canopée…

Chaque diamant raconte un monde démultiplié par les innombrables réflexions de la lumière.

Et pendant que je me plonge dans la création sauvage de la bague de mes rêves et que Delphine fulmine devant ce chaos primordial, Alix qui doit avoir 3 cerveaux en marche simultanément me bombarde de termes techniques.

Centre coloré, azote (jaune), irradiation (couleur), bore (bleu), croissance (dans la nature en 3D, en Chemical Vapor Deposition en 2D), phase cristallographique (pureté), hydrogène + méthane (gaz de croissance), gaz ionisé, carbone (atome), germe (souche de diamant)… Mon interview part en vrille, je mélange les diamants, les taille marquises, les radiants, les rose cut, les prix et les indices de pureté, Alix a perdu une pierre en ouvrant la boite, je ne maitrise plus rien, on a sombré dans la soupe quantique. Une fébrilité hystérique a envahi le bureau, game-over !!!

Je remets les diamants dans leur boite, reprends mon cahier, mon crayon et mon souffle, retour aux origines pour reconstituer la frise chronologique de l’aventure d’Alix Gicquel.

Tout commence donc en 1987.

« Pourquoi j’aimais les plasmas ? Mais parce que c’est lumineux. Et moi ce qui m’intéressait, c’est l’étude de la lumière, ça nous donne des renseignements sur la façon dont les molécules bougent, vibrent… Et puis j’aimais parce que c’est beau, ça a fait tout le temps partie de ma vie ça ».

C’est en suivant son instinct qu’Alix va rejoindre la cohorte des scientifiques qui ont étudié la formation de diamants par plasma, le premier étant l’Américain Tracy Hall en 1954. Elle me raconte qu’à ce moment, le procédé est d’une rentabilité tellement improbable que les américains laissent tomber. Un scientifique russe prend la relève et travaille 30 ans sur le sujet dans un silence opaque propre à l’URSS, jusqu’aux années 80 où le sujet refait surface au Japon avec cette première conférence scientifique suivie par Alix.

Elle part ensuite pour 9 mois d’études à Stanford et pour rentabiliser sa bourse, elle sillonne toutes les conférences scientifiques des US sur le processus de croissance de diamants par plasma. Quand elle revient en France, elle est LA spécialiste du sujet. Elle obtient des budgets du CNRS et du ministère de la Défense, c’est parti pour 30 ans de recherche fondamentale.

« Ma force au départ, c’était ma connaissance du plasma. Ça a été une histoire fabuleuse parce que j’ai commencé au tout début ! Tout ce qui arrivait de nouveau, je l’absorbais immédiatement, et je le mettais en pratique. »

Alix Gicquel

A partir de 1993, Alix, qui fait de la recherche pure va pouvoir perfectionner ses réacteurs grâce à une commande européenne. Elle fait pousser des mosaïques de diamants destinées à des applications optiques ou électroniques. On est très très loin du champ de la joaillerie, mais la création d’un monocristal de 1 mm d’épaisseur en 2004 et la sortie du film Blood Diamond en 2006 va précipiter les choses.

En me montrant le magnifique diamant cognac qu’elle porte autour du cou, Alix m’explique :

« De fil en aiguille, on a réussi à faire pousser des diamants plus épais, au départ colorés parce qu’on n’avait pas les moyens de purifier notre gaz. Mais on les produisait à l’unité, il a fallu gagner des concours pour passer de la dimension de recherche à celle de production ».

C’est en 2016, portée par le tsunami du diamant éthique provoqué par la star Leonardo Di Caprio co-fondateur du laboratoire Diamond Foundry, qu’Alix décide de prendre sa retraite de chercheuse.

Elle monte son propre laboratoire Diam Concept, réalise deux levées de fonds qui lui permettent de développer ses 5 réacteurs et de trouver le lieu de production où nous sommes aujourd’hui. Elle produit son stock et en juillet 2022, elle vend ses premiers diamants aux pionniers du marché français, les marques Courbet, JEM, Vever ou DFLY. Le coup est parti !

C’est bon, j’ai l’histoire, mais à ce stade, je ne comprends toujours pas comment ça marche.

Alix se lève et sort de leurs boites une plaque carrée transparente très fine, une deuxième épaisse entourée d’un magma noir brillant, et une troisième, le diamant brut taillé en carré.

« La première tranche carrée fine, c’est la souche (ou graine ou germe) de diamant qu’on met sur un plateau dans le réacteur dans lequel on va recréer les conditions naturelles de croissance du diamant. Il va pousser verticalement en monocristal entouré d’une couche de polycristal noir qu’on découpe au laser pour récupérer le diamant brut. »

C’est là que j’atteins mon niveau d’incompétence. Les conditions naturelles, euh… C’est-à-dire ?

Alix a été prof, elle poursuit patiemment :

« On injecte dans le réacteur un gaz, mélange d’hydrogène et de méthane, qui est ionisé sous l’effet des décharges micro-onde, permettant ainsi aux atomes de carbone de se déposer sur le germe de diamant. La croissance commence lentement par dépôt de couches cristallines pendant des semaines jusqu’à la taille souhaitée.»

Ça me fait penser à une plante en serre qu’on arrose de temps en temps et qui pousse juste avec les rayons du soleil, c’est aussi simple que ça ? Mais alors, quid des 1 à 4 milliards d’années pour qu’un diamant se constitue sous la terre ?

« Le diamant de mine a bien mis quelques milliards d’années pour remonter à la surface terrestre, mais comme le diamant de laboratoire, il s’est formé en seulement 2 mois ! »

Et les couleurs alors ? 

« Pareil que dans la nature ! On introduit de l’azote ou du bore dans la pierre, et l’irradiation fait apparaitre la couleur. »

Plus de question ? Mon cours théorique de physique est terminé, Alix sonne la cloche des travaux pratiques.

Nous reprenons nos badges, on ressort du bâtiment pour entrer dans un autre, couloirs, nouvelle porte sécurisée. Derrière cette porte, c’est la boite noire, le patrimoine de Diam Concept.

Personne.

Une grande salle des machines. Cinq boites noires géantes siglées Diam Concept. Des tuyaux lilas, des robinets rouges, des jonctions en laiton, des tubes métalliques équipés de boites électroniques, des tensiomètres. Aucun bruit, juste le ronron des machines. Je suis tellement impressionnée que je chuchote.

Alix nous conduit devant une petite fenêtre vitrée ouverte sur l’intérieur du premier réacteur, nous donne des lunettes de protection, et nous invite à regarder. Une série de petites plaques carrées oranges brillent dans cette optique lumineuse, ce sont les souches de diamants en train de pousser.

Alix nous explique chaque dispositif et pose au milieu de ses machines, son œil brille de fierté, il a de quoi. Après tout, n’a-t-elle pas vaincu à elle toute seule des milliers d’années de mystère cosmique ? N’a-t-elle pas réussi à dompter  l’indomptable ? « Adàma », diamant en grec ancien…

Nous passons ensuite dans les autres salles techniques de post-production.

Le laser, seul outil au monde qui peut découper le diamant brut pour le sortir de sa coque de polycristal noir.

La salle d’imagerie et de luminescence avec le fameux DiamondView, seul appareil permettant d’observer la morphologie de croissance des diamants dont sont dotés tous les instituts de certification. Des ordinateurs, des graphiques, des appareils qui étudient les couleurs des pierres.

Et enfin la salle de polissage où sont réalisées les souches de diamants.

Time off.

Retour brutal sur la planète Terre, j’ai pourtant encore mille questions à poser à Alix.

Nous partons déjeuner avec Philippe Pradel, son mari qui l’a rejointe dans l’aventure de Diam Concept. Ce polytechnicien membre de l’académie des Technologies est un Bourbonnais pur jus qui a réussi à me faire croire que je suis aussi intelligente qu’eux deux réunis à l’aide d’un bon verre de Saint -Pourçain.

Amour de jeunesse réunis sur le tard, les « jeunes » mariés m’ont raconté leur histoire, le genre d’histoire qui fait rêver parce qu’elle nous parle d’éternité. Comme le diamant ? Évidemment.

Et qu’on soit animé par la passion de la création, de la science ou de la spiritualité, comme dit le poète, l’éternité n’est jamais de trop !

PS : Ce post est le portrait d’Alix Gicquel, il n’est pas un pamphlet pour ou contre le diamant de laboratoire.

Mais le fait est que ces diamants découverts chez Diam Concept ont déclenché chez moi la même émotion qu’un diamant issu d’une mine.

Je crois que la révolution est en marche parce que les ressources de la terre s’épuisent.

Je crois à un marché de la joaillerie dans lequel diamants de mine et diamants man-made vont cohabiter à terme.

Selon quelles modalités ?

Ça personne ne le sait encore, mais cette question même est passionnante.

L’aventure humaine continue !

2 Comments:
9 mars 2023

Magnifique article qui redonne au diamant toute sa magie éternelle .
Bravissimo et finalement il y a ausi du diamant français ! On n’a plus rien à envier à Golconde

10 mars 2023

Merci Frédérique ! 💎

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hi

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