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Category PORTRAIT
Ginette NY by Frédérique Dessemond, « Life is a dance » !

« Ça a commencé (il y a 20 ans) parce que ça ne devait pas commencer du tout ! »

Qui ne connait pas Ginette NY ?

A Marseille, toutes les filles portent ses bijoux, à Paris, toutes les jewel-addicts ont une pièce d’elle, et à New-York, toutes les modeuses raffolent de la plus jolie marque française de fashion jewelry, tout simplement parce qu’elle est née dans leur ville.

Il faut vraiment être sur une autre planète (que la mienne) pour ignorer Ginette NY, cette marque de bijou fins en or rose qui depuis maintenant 20 ans, révolutionne le marché de la Joaillerie.

Mais si tout le monde connait Ginette, peu de gens connaissent Frédérique Dessemond, la très discrète créatrice qui se cache derrière ce prénom désuet. Fred, pour les intimes, est une fille qui réalise ses rêves en bijoux et en images, mais qui ne se met jamais en scène.

Comme pour tout ce qu’elle entreprend, Frédérique se cache derrière un symbole, une histoire, et une ambiance joyeuse qu’elle transforme en comédie moderne. Même son nom de marque est une histoire. Ginette, c’est un peu le béret basque et la baguette parisienne, un prénom qui dit franchouille version sud.

Ça dit séduction fatale de la vamp des faubourgs façon Ginette Leclerc et la gouaille marseillaise façon Ginette Garcin. Et puis ce n’est pas loin d’Odette, la grand-mère adorée de Frédérique. Des « Ginettes »  nées dans la première moitié du siècle dernier, des caractères, mais surtout des femmes reconnues autant pour leur talent que leur impertinente liberté.

Fred, moi je la connaissais sans la connaitre. Au moment où j’ai monté ma propre marque, elle brillait déjà au firmament des créatrices et je me sentais comme un ver de terre amoureux d’une étoile.

C’est quand j’ai commencé à écrire dans Les Précieuses que ma jumelle marseillaise dans la cosmogonie du bijou, Nathalie Crousillat, m’a parlé de Fred. Elle l’avait accompagnée pendant ses années Frojo, elles étaient restées amies.

Mais quand je croisais Fred sur un salon, je n’arrivais jamais à l’aborder, elle était absorbée par un aéropage de clients, fans, collègues et amis. Emportée par le succès, la créatrice était devenue inaccessible.

Et puis il y a 15 jours, j’ai reçu une invitation pour  aller danser à l’occasion des 20 ans de la marque. Diantre, 20 ans déjà ???

J’ai couru pour la rencontrer dans cette boite de nuit branchito de la rue Montmartre, mais finalement, non seulement je n’ai pas vu Fred mais j’ai passé ma soirée à hurler dans les oreilles de Nathalie pour me faire entendre au lieu de me trémousser au son des basses. Je suis ressortie sourde comme un pot mais pas complètement bredouille, dotée du  délicieux parfum « Life is a dance » qui fête les 20 ans de la marque, et d’un rendez-vous  pour interviewer Fred juste avant son retour à New-York… Bingo !

J’avais choisi le Relais Christine pour notre rencontre, un de mes hôtels préférés à Paris, niché en plein cœur de Saint-Germain des Prés, charme et discrétion, parfait pour Fred-Ginette qui est tout sauf bling. On a déballé la nouvelle collection Twenty sur la table basse et Fred est arrivée.

Blouson vintage en jean noir aux manches de velours jaune vif, robe et collants noirs, grandes lunettes carrées tout droit sorties d’un film des années 80, profusion de bijoux Ginette partout où elle montre un bout de peau, gestuelle grande amplitude, Fred a un style unique qui ressemble à une bravade.

Elle se crée sa propre mode, du sur-mesure qui fait revivre de vieux trucs qu’elle a détournés, transformés, décalés. Elle s’est laissée choir sur le canapé en satin vert émeraude, dur-dur la semaine à Paris quand on doit caser les 20 ans de la marque et une flopée d’interviews…

J’ai fait les présentations, tout se passait très bien jusqu’au moment où j’ai parlé de photos et où elle a dit « ça jamais » !

On s’est installées et la magie a opéré. Parce que Ginette NY c’est une longue histoire, une saga en 5 actes tellement passionnante que finalement,  elle en a oublié qu’on étaient prises en photo…

 

Acte 1 : La genèse de l’histoire prend sa source à Marseille dans les années 90. Fred est une jeune fille qui fait des études d’Histoire de l’Art et qui passe sa vie à chiner et transformer des meubles.

Elle est passionnée de déco, mais elle rêve d’ailleurs. A Marseille il y a le soleil, mais coté culture, ça ne vaut pas Paris, Rome ni New-York.

Pendant ses études, elle prend plusieurs fois un aller-retour pour Big-Apple où tout la fait vibrer. Le Mets, le Moma, l’énergie :

« Dès le départ, je me suis trouvée bien à New-York ! Tout ce que proposait cette ville était magique ! La culture, l’énergie, l’inspiration, les vibes ! »

Frédérique Dessemond

Tu parles ! J’ai fait le même voyage à 24 ans et je suis tombée en éternel amour pour cette ville de tous les possibles.

 A la fin de ses études, quand Joëlle Klein, une amie styliste de mode qui habite à New-York lui demande de venir la seconder pendant sa grossesse, elle n’hésite pas une seconde, abandonne son job de pigiste déco et prend son billet sans retour pour New York. Le coup est parti, sa ville et sa vie, se sera dorénavant New-York.

Fred suit son instinct, prend des risques et fonce, c’est Fred avant Ginette mais c’est déjà du Ginette !

Quand je lui demande comment elle a commencé pour les bijoux, elle s’exclame :

« Ça a commencé parce que ça ne devait pas commencer du tout ! »

Elle m’explique que son premier boulot purement alimentaire chez une styliste américaine en vogue, Paige Novick, lui apprend les rouages de la gestion d’une petite boite. Son jour off, elle customise des sacs vintages qu’elle vend dans le week-end sur West-Broadway.

Les sacs plaisent et tapent dans l’œil de l’acheteuse des boutiques Calypso, un concept-store de mode ultra trendy fondé par une autre française, Chistiane Celle. Des bijoux au sacs il n’y qu’un pas, l’acheteuse  demande à Fred  de lui créer un bijou, un seul, pour sa nouvelle boutique qui est minuscule.  « Va au Gold Distric 47ème rue, je te donne des adresses, tu vas trouver… » lui dit Madame Calypso en terme de brief.

Dans le quartier des grossistes en bijouterie, Fred découvre une profusion de pièces industrielles en or 14 carats qui entrent dans la composition d’un bijou. Elle n’y connait rien, mais son instinct de chineuse et son ingéniosité font le job. Elle choisit un disc qu’elle fait percer de deux trous, le polit, y passe une chaine très fine, et propose de la faire graver aux initiales de la cliente Calypso. La médaille « Disc » est née.

Autodidacte, chineuse, ingénieuse, les prémisses de Ginette sont déjà là !

Acte 2 : Le terrain de l’envol de Ginette NY, c’est le succès de la créativité frenchy à New -York au début des années 2000. Calypso a un réseau de 8 boutiques, la médaille gravée marche si bien qu’elle demande à Fred de plancher sur une collection complète. Pas de problème, la 47ème rue, c’est une mine d’inspiration pour elle !

« Au départ, il n’y avait aucun travail de joaillerie. J’évitais les moules, les outillages, il fallait juste poncer et polir les pièces assemblées. Mais j’étais intraitable sur les proportions. Je faisais simple, épuré, architectural. »

Frédérique Dessemond

Un fin tube creux débité devient le collier « Straw », une languette de fermoir de gourmette rectangulaire devient la plaque « Love », de fins fils d’or soudés en cercle deviennent les bracelets et le collier « Circle ».

La marque Ginette NY est née. Fred reçoit ses commandes pour les 8 boutiques Calypso sur le fax posé sur sa table de cuisine qui lui sert aussi d’atelier.

« Ce n’est qu’après que j’ai commencé à faire des formes à partir de mes dessins et c’était parce que j’avais trouvé un moyen technique avec la découpe laser. »

Elle enrichit sa collection du monogramme Ginette NY qui va devenir son premier bijou signature. Si ça marche d’enfer, c’est parce que c’est du jamais vu, accessible, précieux, sexy, et furieusement moderne.

Fred vient de réussir un coup de maitre, inventer un bijou fin en or qu’on peut s’acheter comme un accessoire de mode et qu’on porte au quotidien. C’est un véritable coup de pied dans la fourmilière ultra-tradi du bijou statutaire, contingenté dans l’infernale trilogie fiançailles-naissance-anniversaire.

Libre, un tantinet effrontée, Fred est la première à proposer aux femmes de s’acheter elles-mêmes le bijou précieux dont elles rêvent. Tout Ginette est là.

Acte 3 : L’âge d’or de Ginette commence par un problème, ce qui dit beaucoup de la capacité de Fred à transformer une déconvenue en facteur clé de succès.

On est en 2006, la marque cartonne à tel point qu’elle vient d’ouvrir  une jolie boutique-atelier-showroom dans le west-village. C’est son lieu de vie, de travail et de ralliement, on y boit des coups le soir en mangeant des tapas tout en traitant les commandes.

C’est à ce moment que Anne Hugard entre dans la danse Ginette NY. Anne est aussi blonde nordique que Fred est brune méditerranéenne, deux atomes parfaitement complémentaires, les tic et toc du bijou de créateur, un binôme business de choc qui restera soudé dans toutes les tempêtes.

Dans la foulée de Calypso, le marché américain s’est entiché de la petite marque française, elle est rentrée comme une fleur chez Barneys et Fred Segal, la crème de la crème aux US, et elle a décroché le graal des créateurs, les concept-stores Japonnais les plus gourmands en bijoux. Il y a juste un point noir, elle n’arrive pas à s’exporter en France, son propre pays.

Les barrières douanières sont drastiques, couteuses, et impossible d’appliquer un poinçon sur ses bijoux si fins. C’est à Marseille, sa ville natale qu’elle trouve la solution en la personne d’Edouard Frojo.

Le propriétaire de Frojo, les boutiques historiques d’horlogerie-bijouterie de la cité phocéenne est bluffé par la créativité de Ginette NY et par son succès outre-Atlantique, il sent bien que le marché bouge, sa collaboratrice Nathalie Crousillat ne cesse de lui répéter que l’avenir se joue là. Fred comprend tout de suite qu’elle a trouvé le partenaire idéal pour pénétrer dans le marché très fermé de la joaillerie française. D’ailleurs tout est prêt :

« Quand je suis arrivée en France en 2006, ma collection était déjà entièrement développée ».

Frédérique Dessemond

 Il suffit de passer sur de l’or 18 carats réglementaire en France, de développer cette couleur unique d’or rose très doux qui se mélange avec tous les ors et de raconter la belle histoire de la marque, ce que Fred réalise avec brio grâce à une campagne d’anthologie réalisée le Meat Packing district.

L’ancien quartier des halles de boucheries était loin d’être devenu le quartier Arty du New-York d’aujourd’hui, c’est dire le flair de Fred pour choisir les lieux de ses shootings.

A l’époque, en me renvoyant à mes souvenirs de jeunesse à New-York, sa campagne m’avait tapé dans l’œil aussi sûrement que ses bijoux. Fred venait d’inventer un style de communication inédit dans le monde de la joaillerie :

« Les images m’influencent sur les bijoux et les bijoux m’influencent sur les images ! Il faut que ce soit vrai, que ce soit beau, que ça donne envie ! »

La marque est lancée avec un succès tonitruant à Marseille chez Frojo et très vite partout en France. La presse est emballée et pour la première fois, une marque se développe dans un double réseau, les nouveaux concept-stores de mode, et les plus traditionnels bijoutiers de centre-ville (les fameux HBJO

Pendant ces années fastes, le tandem Fred-Frojo (dont Nathalie Crousillat est le bras armé)  relance la mode des pierres fines avec de nouvelles collections et sort l’autre bijou signature de la marque, la fameuse «Disc Ring » .

A chaque saison, une campagne photos et un petit film façon court-métrage racontent la collection. Fred m’explique qu’elle choisit les lieux, l’équipe du shooting et le stylisme comme elle choisit ses vacances. Un lieu ensoleillé aux US, aux balérares, au Maroc. La recette de Fred est un joyeux mélange d’intuition et d’improvisation maitrisée, au grand dam de ses partenaires successifs, elle n’a jamais construit un chemin-de-fer  (terme technique pour le scénario d’un photo shoot). Elle suit son instinct, son instinct ne s’enferme pas dans des cases.

Mais si on la laisse toujours libre de réaliser selon son envie du moment, c’est parce que ça marche formidablement, malgré les petits budgets dont elle dispose :

« Se donner du mal parce que tu sais que tu as un budget limité, faire le maximum avec peu, c’est ça qui te donne de la force ! »

Frédérique Dessemond

Et c’est vrai. Quand j’ai revu la rétrospective de tous les films de Ginette NY depuis ses débuts, projetée lors de la soirée d’anniversaire, j’ai été bluffée par la ravissante fraîcheur de chaque petite histoire.

C’est tellement vrai qu’on a envie d’entrer dans l’image, de piquer tous les bijoux à la fille, et de se mettre à sa place au bord de la grande bleue sous l’objectif bienveillant du réalisateur…

Directrice artistique autant que créatrice de bijoux, toute la force de Ginette NY réside dans la capacité de Fred à mettre ses histoires en images.

Acte 4 : L’âge de raison de Ginette commence en 2012,  avec son changement de partenaire business.

Les corners Ginette NY fleurissent dans tous les grands magasins, et tout le monde s’arrache la marque, la jalouse et la copie, la rançon du succès…

Le tandem Fred-Frojo qui a fonctionné à merveille pendant 6 ans se grippe, Fred reprend sa liberté et est approchée par un groupe qui met la marque Ginette NY sous licence pour la développer à l’international.

Comme chez Frojo, ce type de contrat laisse à Fred les pleins pouvoir sur la création, et la déleste d’un certain nombre de problèmes, notamment la production et la distribution.

Ce nouveau deal est très fructueux en terme de développement de chiffre d’affaire et de production. L’usine située au Vietnam qui produisait des marques blanches en joaillerie (marques de distributeurs non signées) lui ouvre de nouveaux champs techniques et lui permet de sophistiquer ses bijoux.

Mais le jour où le groupe qui gérait beaucoup d’autres marques sous licences met la clé sous la porte, Fred a un gros coup de chaud. Elle s’en tire sans casse, parce que Ginette NY marche formidablement bien, mais elle comprend qu’elle a dorénavant besoin d’évoluer dans un climat de confiance et de partage pour gérer sa marque. A ce stade, il n’y a que l’association qui peut lui apporter cet équilibre.

Si elle est une créative, sa marque c’est sa vie. On ne délègue pas la conduite de sa vie à de tierces personnes, n’est-ce pas ?

 Sa bonne étoile la met sur le chemin de deux jeunes financiers, David-Emanuel Cohen et Romain Benichou. Ils ont fondé la start-up Red Luxury,  ils vont devenir ses associés. Anne Hugard, son bras droit depuis des lustres fera aussi partie de l’aventure, le deal Ginette NY à l’âge de raison est né.

Avec maintenant 11 boutiques en propre, la marque joue désormais dans la cour des grands. Elle qui a toujours été le trublion de la joaillerie française est désormais une institution ! Quand je lui demande ce que ça change pour elle, elle s’exclame :

« Rien du tout ! On reste une marque accessible par rapport à la joaillerie traditionnelle. Si mes prix ont un peu augmenté c’est lié au cours des matériaux précieux, et mes budgets sont restés les mêmes. Ce qui change, c’est que maintenant, on grandit ensemble ! »

Évidemment, avec deux associés les pieds bien ancrés sur terre, une Anne gardienne du Temple et une Fred qui a toujours la tête dans les étoiles, il y a parfois des discussions surréalistes, comme autour de ce rêve un peu fou d’un lieu Ginette NY :

« Je voyais une maison Ginette, avec  un bar à infusions, des bouquins, des huiles essentielles, des pierres bienfaisantes, tout un univers autour du bien-être. Quand j’ai parlé à mes associés du potager dans le jardin pour préparer mes soupes, je les ai perdus Ahahah !

Frédérique Dessemond

La Fred d’aujourd’hui est celle de l’âge de raison. Le lieu Ginette NY ça viendra, il sera à son image, pas aseptisé et pas tradi, Fred n’a pas fini de nous étonner.

Epilogue : Ça fait presque 2 heures qu’on parle, et si Fred a beaucoup donné car elle joue son propre rôle en live, moi j’ai des fourmillements et je frétille à l’idée d’essayer sa nouvelle collection « Twenty ». Elle me passe la Disc Ring évidemment mais surtout son sautoir avec les 20 charms qu’elle a créés pour l’occasion, le collier fin 3 charms, le bracelet et les boucles Donuts en Onyx. Comme tous les bijoux Ginette NY, c’est léger, charmant, ça danse sur la peau, et bien sûr ça reste super accessible.

Fred a beau fêter les 20 ans de sa marque, elle reste hyper touchée quand une femme aime ses bijoux.

Après tout, c’est pour ça qu’elle a développé cette marque, pour créer une famille qui vienne agrandir la sienne, une famille où chaque femme peut s’acheter  elle-même son bijou précieux du quotidien, pour le porter ou pour l’offrir.

Elle regarde sa montre, en retard ? Non pas encore mais pas loin !

Demain c’est le retour à New-York, c’est la course aux projets de la fin de l’année avec le lancement de son  parfum « life is a dance », c’est le re-lancement de la collection Homme avec ses icônes d’il y a 10 ans, déjà des bombes à l’époque, devenus des ultra- bombes…

C’est la vie rêvée de Fred qui nous invite dans sa danse effrénée, et finalement le moment où elle accepte enfin de poser sur la  photo clap-de-fin du récit de son épopée.

Merci Fred pour ton temps partagé !

Photos Delphine Jouandeau

Portrait de Frédérique Dessemond par Renaud Callebaut

Texte Sylvie Arkoun

2 Comments:
18 novembre 2022

Formidable cet article !!! Quelle nana !
Elle est vraiment précurseur ! Chapeau !
Bisous
Martine

18 novembre 2022

Merci Martine ! xxxxx

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hi

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