«Quand j’avais 11 ans, ma mère mettait une améthyste dans ma poche pour voyager seule en avion. »
Céline Daoust est belge.
Ah non, c’est un peu court !
Et pourtant, ça dit beaucoup…
Les Belges représentent pour moi une version du français expurgée de ses pires défauts. Je les vois conviviaux mais jamais snobs, drôles mais jamais toxiques, gourmets mais jamais ampoulés, créatifs mais jamais arrogants. Preuve en est ? Tintin, Hercule Poirot, Dries Van Noten, Cécile de France et Benoit Peolvoorde. Mais, vous allez me dire qu’ils sont un peu lents ? Oui, mais de nos jours, c’est plutôt une qualité.
Céline Daoust crée depuis 15 ans d’irrésistibles talismans précieux ornés de fabuleuses tourmalines watermelon, de poétiques diamants slices et de labradorites magiques. Sa marque est distribuée dans plus de 150 belles boutiques dans le monde, elle a maintenant la sienne à Paris, mais elle n’en fait pas des caisses.
Et je crois que c’est cette simplicité demeurée intacte au fil du talent que j’aime chez elle, comme chez tous nos cousins du nord.*
Si nos chemins se sont croisés x fois, nous ne nous étions jamais vraiment rencontrées.
Céline se cache derrière ses bijoux et derrière Matthieu, son alter ego, son associé, et le père de ses deux garçons.
Matthieu, c’est Monsieur Céline Daoust. Je l’ai connu en 2017 au salon COUTURE où pour mon plus grand bonheur, son stand jouxtait celui de Selim Mouzannar.
Nous avions illico constitué un petit village gaulois-belgo-libanais au milieu des Yankees, on s’échangeait gossips joailliers et tuyaux business. Du haut de ses 1m90, ce géant à la barbe brune exhale une coolitude rarissime dans le métier de la joaillerie, qualité qui lui vaut la chaleureuse sympathie de toute la profession. Quand je lui avais demandé où était Céline, il m’avait juste répondu avec un doux sourire « A l’atelier à Jaïpur, elle n’aime pas trop les salons… », j’avais compris que ces deux-là formaient un duo de choc.
Céline imagine, dessine, fabrique. Matthieu gère, vend, développe. Et ça marche d’enfer. En deux salons COUTURE, la petite marque belge avait déjà conquis les plus beaux points de vente américains.
Le dernier jour du salon, alors qu’on fêtait nos succès et que j’avais régalé la chiquissime clientèle du restaurant japonais du Wynn d’une glissage acrobatique imprégnée de Chardonnay, j’avais pris date avec Matthieu pour faire le portrait de Céline. C’était il y a 5 ans.
Entre Bruxelles, Jaïpur, mille voyages, une crise sanitaire, l’ouverture de sa boutique parisienne et une célébration dans Forbes, nous avons enfin trouvé le temps de nous parler dans la fraîcheur immaculée de sa boutique de la rue de Grenelle.
Dents du bonheur, teint caramel, zéro make-up, Céline porte ses grigris précieux en accumulation sur son bleu de travail, un jean Levi’s et une ample chemise de coton.
On s’installe au fond de son cocon blanc émaillé de ravissants objets design et avec ce phrasé chantant qui prend son temps, Céline la discrète me raconte son histoire, ou plutôt leur histoire.
Parce ce que chez les Daoust, tout se décline en duo.
« Mon parcours est un peu particulier… J’ai rencontré Matthieu très jeune et j’ai eu mon premier fils à 20 ans. »
Respect. À vingt ans, je n’avais pas dépassé la case boite de nuit et questionnements existentiels. Mais Céline m’explique que cet inexpected happy event la pousse à entrer de plein pied dans la vraie vie. Elle arrête ses études, son deuxième fils arrive dans la foulée, elle se consacre à ses petits boys pendant que Matthieu fait bouillir la marmite en poursuivant ses études en cours du soir.
Toute l’essence de Céline est là. Une terrienne qui se consacre à sa tribu. Avant tout le reste !
Dès que les garçons vont à l’école, elle suit un cursus de stylisme qui la mène tout droit à la mode, mais elle est rebutée par son rythme effréné.
« J’aime la lenteur, la matière, et surtout, créer des choses qui durent. »
C’est un stage chez un brodeur de la Maison Lesage qui va lui révéler sa vocation. Elle brode de vieilles cravates de son grand-père qu’elle transforme en broches et découvre que c’est dans l’accessoire que réside l’essentiel. C’est ça qui la séduit dans le bijou. Ce détail plus personnel qu’il apporte à une tenue. Ce truc qu’on ne voit pas au premier regard, mais qui se perçoit au détour d’un moment. Cette intention légère ou intime selon ce qu’on choisit d’y mettre.
Mais comment est-elle venue à toutes ces pierres fabuleuses qui fondent le caractère talismanique de ses bijoux ?
« Quand j’avais 11 ans, ma mère mettait une améthyste dans ma poche pour voyager seule en avion. »
Le talisman a toujours fait partie de la vie de Céline, sa maman infirmière croyait au pouvoir des pierres malgré son dur métier.
Elle m’explique que ce rapport étrange entre la matière et un monde plus subtile, entre la rationalité et le pouvoir onirique des pierres, a forgé très tôt son imaginaire. Et quand elle a commencé à tisser de ses mains ses bijoux talismans ornés de petites beads précieuses, elle n’a fait que poursuivre ce chemin tracé depuis bien longtemps.
Toute la philosophie de Céline est là. Savoir ce qui la touche, ce qui lui fait du bien. Pas la peine d’aller plus loin !
Dès le début de sa marque en 2008, ses bijoux partent comme des petits pains.
Mais Céline qui travaille d’arrache-pied dans sa cave, réinvestit tout dans les achats de matière première. Elle n’est riche que de son talent, pas de renflouage friends & family et les banques ne la suivent pas. Matthieu, qui fait une belle carrière dans la distribution, jette un œil à ses comptes et lui dit :
« Si tu veux gagner de l’argent avec tes bijoux, il faut vendre plus ».
Céline lui répond qu’elle ne sait pas vendre. Il lâche son job et la rejoint sur-le-champ. Le duo fonctionne dans une parfaite complémentarité. Céline fait découvrir à Matthieu le monde des pierres, Matthieu cadre la créativité onirique de Céline.
Toute la recette du succès de Céline Daoust est là. La confiance réciproque dans le talent de l’autre. À deux, c’est mieux !
Pour moi dont l’adage est « L’indépendance, c’est l’oxygène du couple », vivre et bosser H 24 avec son conjoint tient du livre des records. Elle s’exclame en rigolant :
« Je passe plus de temps avec mes artisans qu’avec ma famille ! Quand je pars à Jaïpur, j’y reste deux mois, et j’y vais 4 fois par an ! »
Et non, en dehors de la crise du Covid, Céline et Matthieu ne sont pas vraiment scotchés l’un à l’autre. Pendant que Matthieu parcourt la planète à la recherche des meilleurs distributeurs et fournisseurs, Céline travaille d’arrache-pied dans son atelier de Jaïpur pour mettre au point ses nouvelles idées de bijoux talismans. A tel point que l’Inde est en passe de devenir son pays d’adoption.
Cet atelier a grandi avec elle, et s’il lui a permis de passer de l’argent et des beads abordables de ses débuts à l’or 14 carats et aux pierres rares, ses artisans ont appris beaucoup grâce à la complexité des projets qu’elle leur soumet.
Elle m’explique qu’elle a mis un temps fou à réaliser cette ligne de pendentifs en labradorites (dont je suis dingo) dérivée de sa collection Dream Maker.
Il a fallu d’abord sourcer les pierres brutes à Madagascar, puis faire des tonnes d’essais de tailles avec un lapidaire pour finalement accepter que sur 5 pierres, seulement 2 résisteront.
« C’est très drôle cette période où on recherche ensemble des procédés techniques. On se demande si on va y arriver, on fait des essais, ça foire et on recommence ! Même si on est assez différents culturellement avec mes artisans, on se rejoint dans la joie de trouver ensemble une solution ! »
Le moteur de Céline Daoust est là. La joie de créer ensemble, tout simplement !
Je regarde les bijoux disposés sur de ravissants présentoirs blancs en forme de dunes miniatures ou sur des cristaux bruts.
Œil, serpent, lune, soleil, étoile, phénix, dream maker, totem, scarabée, dharma… Si la symbolique et l’iconographie mystiques semblent s’être donné rendez-vous dans le Kharma de Céline Daoust, elle ne se laisse pas enfermer dans la spiritualité indienne dans laquelle elle baigne depuis presque 15 ans.
Je suis fort ** influencée par mes voyages, l’Egypte ancienne, les couleurs, l’harmonie, la nature, une rencontre, un film, un livre. Je pense que le beau a des vibrations, des vertus thérapeutiques, comme les pierres…
Céline Daoust
Non, Céline ne s’est pas convertie à la religion Hindouiste en découvrant Jaïpur, cette épicurienne ne sacrifierait jamais les gaufres au sucre de son pays pour l’ascétisme yogi !
Qu’on se le dise, les talismans qu’elle crée depuis 15 ans n’ont pas attendu la mode du moment. Ils prennent racine dans ce mantra de l’enfance, quand sa maman glissait dans sa poche l’améthyste protectrice…
Et si elle a une croyance, c’est celle de son bonheur qu’elle dessine au quotidien, entre animisme intuitif, symbolique antique, et amour de la terre, dans laquelle elle a les pieds bien ancrés.
Alors qu’on passe à la séance photo sous la direction implacable de Delphine Jouandeau, je choisis un camaïeu de tourmalines et son ravissant collier Dream Maker en diamants.
Céline me parle de ses voyages, de sa chasse aux pierres précieuses de Madagascar à l’Amérique du Sud et des artistes avec lesquels elle a collaboré pour sa boutique.
Les présentoirs de dunes miniatures sont du plasticien Christo Nogues, la forêt enchantée de la vitrine est de la céramiste Caroline Pholien. Elle a déniché sa poignée de porte en jaspe en Inde et sa lampe blanche Carlo Nason des années 70 aux puces de Bruxelles.
Quant à ce fabuleux escalier Roger Tallon qu’elle a débarrassé des lambris poussiéreux de l’ancienne boutique, il est devenu la colonne vertébrale du blanc cocon parisien de Céline Daoust.
Je lui demande si je la retrouve à COUTURE à la fin de la semaine, car je prends le vol Paris-Vegas dès le lendemain, mais je connais déjà la réponse… Céline repart en Inde où elle a un grand projet, avec Matthieu évidemment…. Mais chchchuuut, c’est encore secret !
Découvrir l’univers de Céline et Matthieu Daoust en Inde ? C’est plus qu’un voyage, c’est une épopée, je signe tout de suite.
On a pris date, mais cette fois-ci, promis, on n’attendra pas 5 ans !
PS : quelques petites précisions sur mon lexique franco-belge :
* « La discrétion demeurée intacte au fil du talent » : à l’exeption de Jean-Claude Vandamme… Mais il est tellement hilarant que je lui pardonne volontiers !
** « Je suis fort influencée » : tournure belge, « fort » à la place de « très » ce n’est pas charmant ?
Merci pour ce magnifique portrait !
J’adore tout ce que fait Céline 🙏
Moi aussi ! Merci Laurence ! 🤩
Merci pour ce magnifique portrait !
J’adore tout ce que fait Céline 🙏
Merci de nous avons fait partager le parcourt et l’expérience de Céline Daoust. C’était passionnant à lire. Bravo!
Merci Delphine ravie que ça vous plaise ! Raconter une creatrice de talent c’est mon kiff !! 🤩