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Category CHRONIQUE
Selim Mouzannar et Laurent Massi, le monde des pierres

« Pour Selim Mouzannar et Laurent Massi, regarder dans l’intérieur d’une pierre, c’est voyager dans un monde fabuleux créé par la nature. »

Selim Mouzannar et Laurent Massi dans la grande bibliothèque du Bon Marché Rive Gauche, c’est le G2 de la gemmologie, la rencontre de la création et de la science du monde des pierres.

C’est un happening, deux comètes qui se croisent dans une explosion de pierres précieuses multicolores, un combat amical entre le Prince des tourmalines et le Tsar des spinelles, un concours d’éloquence digne d’Edmond Rostand, un récital de poésie, un spectacle de magie, le grand retour des aventuriers des mines de Muzo, Mogok et Pailin réunies.

J’ai rencontré Laurent il y a 15 jours lors de son dernier MUG #10, l’événement Meet Up Gemmologie le plus prisé par les apprentis experts qu’il organise avec son acolyte Fabienne Michaud.

J’ai été tellement électrisée par cette session jubilatoire qu’une semaine après, j’organisais une rencontre entre le Docteur Massi et le joaillier Selim Mouzannar de passage à Paris pour la présentation de sa nouvelle collection AW23.

Impossible de passer à côté de cette occasion unique, deux comètes de ce type ne se croisent dans le ciel de Paris qu’une fois par siècle…

Je vous livre sans filtre les échanges entre Selim, le joaillier créateur amoureux de toutes les pierres et Laurent, le Dr en Physique, gemmologue, chercheur, et chasseur de trésors.

Ces deux-là ont parcouru le monde à la recherche des plus belles gemmes, en ont collectionné des milliers, et se sont lancés avec passion dans la photomicrographie, l’art et la sciences de photographier le monde intérieur des pierres.

Je n’ai pas pu en placer une, mais j’ai encore appris plein de choses sur les pierres, et surtout, j’ai beaucoup ri.

Selim (saluant Laurent)  : « Je suis une goutte d’eau dans l’océan de tes connaissances. »

Rires.

On s’installe au salon de la grande bibliothèque du Bon Marché. Sur la table, un plateau des créations de Selim Mouzannar, les bagues Gemma aux tourmalines multicolores, l’étoile Istanbul en rhodolites et diamants, mais surtout la nouvelle boucle d’oreille serpent ouroboros en spinelles rouges.

Laurent a quelques pierres extraordinaires dans son sac, mais nous prévient. Interdiction absolue de les photographier ! C’est une exclusivité rien que pour nous avant parution scientifique. En échange, on aura ses prochaines photos de pierres en avant-première !

Moi : « Raconte-nous ton parcours Laurent. »

Laurent : « Au tout début, je voulais être « Nez », j’ai une hypersensibilité olfactive… Mais la chimie organique n’était pas pour moi alors j’ai basculé vers la physique.

C’est à partir de là que je me suis intéressé aux pierres, j’ai fait mes études de physique avec le Docteur Emmanuel Fritsch de l’institut des matériaux de Nantes, un grand maître.

Une fois mon doctorat en poche, je suis parti à Bangkok pour étudier les pierres sur le terrain.

Je suis allé dans les mines de Pailin au Cambodge de l’autre côté de la frontière, j’ai observé des milliers de pierres, c’est là que ma passion pour le monde intérieur des pierres a commencé. » 

Moi : « Mais les inclusions ça dévalorise une pierre en joaillerie, non ?

Selim : « Ça peut donner de la valeur aux pierres contrairement à ce que l’on pense ! »

Laurent : «Oui, comme pour la « queue-de-cheval » dans le grenat démantoïde, la « goutte d’huile » dans les émeraudes colombiennes, ou les aiguilles de rutile dans les saphirs étoilés !»

Selim : « Ou dans le quartz… »

N’en jetez plus, moi qui croyais avoir tout compris… La gemmologie, c’est le garde-fou de l’égo, on passe sa vie à se planter et à apprendre !

Laurent : « La gemmologie, c’est une science contextuelle.

Elle dépend de ce qu’on attend de la pierre. C’est aussi une science pluridisciplinaire qui touche aussi bien la joaillerie que l’histoire de l’art et la grande histoire.

Le meilleur exemple, ce sont ces pierres précieuses qu’on a retrouvées dans un galion au large de la Floride. La gemmologie a permis de dire que c’était des émeraudes et de déterminer leur origine pour reconstituer l’histoire.

Ou ces gros rubis historiques, le black Prince’s Ruby ou le-Côte-de-Bretagne qui finalement se sont révélés être des spinelles. La science valide toujours une intuition.

J’ai appris très récemment que les tailleurs de pierres en Inde savaient déjà que les deux matériaux étaient différents, car ils ne réagissaient pas de la même façon à la meule. La pratique mène à la théorie pas l’inverse ! »

Selim : « C’est vraiment par la pratique que ça a commencé pour moi…

Je suis fils et petit-fils de bijoutier, alors faute de mieux dans la famille, on devient bijoutier !

Mon père me volait mes vacances pour m’exploiter comme coursier, je trainais dans le souk fasciné par les pierres. J’avais plein de questions et j’ai vite vu combien il y avait de contradictions et d’ignorance dans ce domaine.

À 18 ans, je suis parti à Paris faire l’Institut National de Gemmologie, j’ai voulu connaitre le coté scientifique. Puis j’ai travaillé dans un atelier en Arabie Saoudite où j’ai vu des pierres extraordinaires.

Ça m’a donné envie d’aller sur le terrain et je suis parti en Thaïlande pour travailler dans une mine avant de monter ma marque. C’est de tout ça que je tiens ma passion pour les pierres, mais j’ai encore plein de choses à apprendre ! »

Moi : « Quelle est votre pierre préférée à tous les deux ? »

Selim : « J’aime toutes les pierres de couleurs, je les utilise toutes dans mes bijoux, même si c’est plus périlleux en joaillerie. Au départ, c’est la tourmaline qui m’a fasciné. Par sa diversité de couleurs, et par le monde extraordinaire qu’elle renferme. »

Laurent : « Moi aussi, j’ai commencé par adorer la tourmaline, mais il y a une dizaine d’années, j’ai découvert le spinelle, et j’ai eu un coup de foudre !

Moi : « C’est drôle, dès que vous parlez de pierres tous les deux, vous parlez de coup de foudre ! »

Selim : « La vie sans coup de foudre, c’est la mort !!! »

Laurent : « Et sans électricité aussi Ahaha !… De toute façon on est rarement objectif quand on parle de quelque chose avec passion… Et j’ai une passion pour les spinelles, pour l’intensité de leur couleurs rouge, gris, bleu… »

Moi : « Mais qu’est-ce qu’elles ont en plus par rapport aux autres pierres de couleur ? »

Laurent : « Leur couleur émet un message totalement pur, certaines couleurs de spinelle sont de la pure saturation sans ton, fluorescente à la lumière du jour… Regarder un spinelle rouge, c’est être totalement absorbé par la couleur.»

Je suis un peu perdue…

Laurent : « La couleur des pierres a trois composantes : la teinte, le ton (clair ou foncé), et la concentration (la saturation). Le spinelle rouge est d’un rouge totalement uniforme d’une grande limpidité. Et sa brillance est unique, presque fluorescente. »

Moi : « Comme le diamant ? »

Selim et Laurent en cœur : « Pas tout à fait, mais pas loin, ce sont deux pierres isotropes qui cristallisent dans le même système cubique ».

Ça vole trop haut pour moi… Histoire de retourner en terrain connu, je demande à Laurent de nous raconter l’histoire de ce spinelle incroyable présentant une inclusion en forme d’étoile de David.

Une pierre tellement unique qu’il en a fait une photo sublime authentifiée par un NFT.

Laurent : « J’étais en Thaïlande, j’avais eu accès à 3 kg de spinelles bruts, et j’ai observé les pierres une par une au microscope, ça m’a pris 3 semaines. C’est dans ce lot que j’ai trouvé le spinelle avec cette inclusion qui ressemble à l’étoile de David, du jamais-vu.

Tellement beau et rare que j’en ai fait une photo dument certifiée par un NFT »

Moi : et toi Selim ta première photo de l’intérieur d’une pierre ?

Selim : « Les tourmalines watermelon que vous voyez sur l’écran !

Je me suis intéressé à la photomicrographie il y a quelques années, parce que j’étais fasciné par ce que je découvrais à l’intérieur des pierres ! Je pouvais rester des heures l’œil rivé au microscope, je ne voyais pas le temps passer ! J’ai contacté Leïca et je me suis doté d’un équipement, je voulais faire des photos artistiques, à la hauteur des tableaux que je voyais dans les pierres !

La nature vient toujours nous rappeler qu’elle est supérieure… »

Laurent : « La nature, c’est le premier artiste ! »

Selim : « La nature nous enivre… »

Laurent : « Récemment, j’ai fait un voyage en Birmanie à Mogok, la mine mythique de « La vallée des rubis » de Joseph Kessel. C’était la fin de l’après-midi, je regardais des pierres chez des marchands de rue. Quelqu’un m’a glissé à l’oreille, « demain à 7 h, il y a le marché aux couleurs… » À 7 h tapante, j’étais là… Un éblouissement… Partout dans la rue, une profusion de cailloux éclatants du rose au rouge, des bonbons translucides, j’ai été complètement absorbé, je suis resté des heures… »

Selim : « C’est le moment tantrique ! »

On y est…

Laurent : « Magique. Le bleu saturé du ciel, la dentelle de la brume sur les montagnes, le rose-rouge intense des pierres… »

Moi en regardant la bague et le pin’s de Laurent : « Et depuis, tu ne te sépares plus de tes spinelles ? »

Laurent : « Jamais ! Ni de ma loupe d’ailleurs ! »

Moi (les spinelles ont effectivement un pouvoir de sidération.) : « Ce n’est pas comme Selim, il ne porte jamais ses bijoux ! » 

Laurent (regardant Selim) : « Oui, mais il les porte dans son cœur ! »

Selim (entonnant Baudelaire de sa voix de baryton) :

La très-chère était nue, et, connaissant mon cœur,
Elle n’avait gardé que ses bijoux sonores,
Dont le riche attirail lui donnait l’air vainqueur
Qu’ont dans leurs jours heureux les esclaves des Maures.

Pile-poil à ce moment un important client belge débarque et kidnappe Selim.

Laurent en profite pour sortir de sa besace de petites boites blanches, sa loupe fabuleuse sertie de pierres précieuses, ainsi qu’une lampe de gemmologue qui fait apparaitre les fluorescences des pierres.

Mais le clou du spectacle est pour la fin.

Il nous sort une petite pierre blanche, la pose dans sa main et se rapproche de la lumière. Il nous demande de ne pas quitter des yeux la pierre, qu’il irradie avec sa lampe.

La pierre caméléon, une sodalite hackmanite, devient rose fuchsia puis violette avant de redevenir blanche sous l’effet de la lumière du jour.

Retour à la réalité.

Laurent a remballé ses trésors, Selim s’est échappé pour venir le saluer, tous deux se promettent monts et merveilles, un avenir radieux et moult voyages dans le monde des pierres.

Et moi, j’attends déjà le retour de ces deux comètes dans le ciel étoilé… Quitte à poireauter pendant un siècle, parce que quand on est pris de passion, le temps ne compte plus, n’est-ce pas ?

Texte Sylvie Arkoun

Photos Delphine Jouandeau

PS : Pour ma plus grande fierté, Laurent m’a donné en avant-première deux nouvelles photos de l’intérieur des pierres qui viennent compléter sa collection.

Dans l’ordre dans le carrousel ci-dessous :

1- L’Étoile de David dans un spinelle. Échantillon unique

2- Le Big Bang Vert (comme une explosion en expansion – hedenbergite dans un quartz). Photo inédite

3- Le Snap Diamond (qui ressemble, en son centre, au logo du réseau social Snapchat – secteur d’hydrogène dans un diamant naturel). Photo inédite

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